Certains jeux sont difficiles à introduire correctement, exigeant pour leur rendre pleinement justice de rappeler un certain contexte, retracer un certain historique, détailler certaines affiliations, expliciter une certaine vision, etc. ; mais d'autres sont en revanche très simples : dans le cas de "satryn deluxe", il s'agit tout bonnement d'un clone de "Robotron : 2084" comme il y en a eu beaucoup depuis 1982, mais ce jeu indépendant sorti près de quarante ans (!) plus tard se distingue en restant très fidèle à la borne originale, avec des bases et des sensations gardées intactes, tout en offrant cependant un rythme, une variété, un confort, etc. plaisamment modernisés, au point où l'on peut y avoir l'impression de jouer à "Robotron : 2084" en mieux - ce qui n'est tout de même pas rien !
Ainsi, "satryn deluxe" est un twin stick shooter où notre héros peut bouger et tirer indépendamment dans huit directions (et rien de plus, il n'y a pas dans ses contrôles de bombe ou d'esquive ou de tir secondaire ou quoi que ce soit) alors qu'il traverse une suite apparemment infinie d'arènes rectangulaires identiques tenant en entier à l'écran, où l'objectif est de sauver de petits personnages face à un assortiment bigarré d'ennemis qu'il faudra entièrement exterminer pour passer à l'arène suivante.
Comme on l'a dit, il n'y a pas de level design propre aux arènes en dehors de mines clignotantes dispersées ici et là, les différentes combinaisons adverses sont donc l'élément principal distinguant chaque niveau. Les types ennemis ont tous de fortes particularités (comportement, endurance, dangerosité, etc.) et leurs effectifs et leur nature changent donc le problème posé : où viser en premier, faut-il d'abord sauver les petits personnages alliés ou attaquer les adversaires, comment bien se positionner et esquiver la horde et ses projectiles - tout cela constitue un gameplay assez riche grâce à la combinatoire, même si la base ludique reste simple et si le nombre de types ennemis distincts est plutôt modeste (huit dans "Robotron : 2084" et le double dans "satryn deluxe").
Dans les deux cas, il s'agit d'un jeu à scores, on dispose de trois vies (on peut en gagner en cours de route) sans barre d'énergie, avec des parties relativement courtes, la motivation étant de sans cesse améliorer ses performances. Sur un plan artistique, l'un comme l'autre jeu n'a pas de musique mais présente des effets sonores typiquement "arcade" à la fois utiles et excitants, et leurs graphismes sont très vifs, avec quelques effets psychédéliques renforçant les sensations de surcharge procurées par le gameplay.
Ça fait beaucoup de points communs, ce qui est loin d'être une mauvaise chose puisque "Robotron : 2084" n'est pas un classique simplement pour son aspect historique, il est avant tout resté un jeu extrêmement amusant... néanmoins inféodé à son contexte !
samedi 4 mars 2023
dimanche 29 janvier 2023
Antecrypt (itch.io) PUNKCAKE Délicieux
"Antecrypt" est un jeu exemplaire, qui représente bien sa petite compagnie PUNKCAKE Délicieux et le mouvement néo-rétro en général. Composée de Benjamin Soulé (co-fondateur de Motion Twin) et Rémy Devaux (sorti prématurément d'école de jeu vidéo), deux Français habitant en Aquitaine près de Bordeaux, avec à l'occasion la participation du compositeur espagnol Pentadrangle, la compagnie a en fait commencé avec "Antecrypt" qui est son tout premier jeu, sorti le 10 juin 2021 sur le magasin itch.io.
Avant cela, le duo avait beaucoup programmé chacun de son côté sur PICO-8, une console virtuelle en basse résolution n'existant qu'en émulation et très prisée par les développeurs indépendants. Comme un certain nombre d'autres jeux PUNKCAKE Délicieux, "Antecrypt" est d'ailleurs une relecture d'un jeu PICO-8 d'un de leurs auteurs, "Mr. Beam" de Benjamin Soulé publié en mai 2015 et conçu lors d'une "game jam" (concours de programmation rapide) - créer un jeu complet à partir d'un prototype de "game jam" est plutôt habituel pour la compagnie.
PUNKCAKE Délicieux repose sur trois piliers : le moteur de jeu "SUGAR" développé par Rémy Devaux depuis 2018 ; un modèle économique original proposant un abonnement où chaque nouveau jeu coûte 3€ (deux fois moins que leur prix individuel) ; et une philosophie de game design qui matérialise exactement l'esprit de la vague rétro de 2010 tel que je l'avais compris et défini dans l'article sur le sujet publié ici en février 2020...
Avant cela, le duo avait beaucoup programmé chacun de son côté sur PICO-8, une console virtuelle en basse résolution n'existant qu'en émulation et très prisée par les développeurs indépendants. Comme un certain nombre d'autres jeux PUNKCAKE Délicieux, "Antecrypt" est d'ailleurs une relecture d'un jeu PICO-8 d'un de leurs auteurs, "Mr. Beam" de Benjamin Soulé publié en mai 2015 et conçu lors d'une "game jam" (concours de programmation rapide) - créer un jeu complet à partir d'un prototype de "game jam" est plutôt habituel pour la compagnie.
PUNKCAKE Délicieux repose sur trois piliers : le moteur de jeu "SUGAR" développé par Rémy Devaux depuis 2018 ; un modèle économique original proposant un abonnement où chaque nouveau jeu coûte 3€ (deux fois moins que leur prix individuel) ; et une philosophie de game design qui matérialise exactement l'esprit de la vague rétro de 2010 tel que je l'avais compris et défini dans l'article sur le sujet publié ici en février 2020...
mardi 20 décembre 2022
Thanatos (ZX Spectrum) Durell Software
Qu'on l'aime, qu'on le déteste, qu'il nous indiffère ou qu'on ignore son existence, "Shadow of the Beast" sorti en 1989 sur Amiga aura su s'imposer dans l'histoire du jeu vidéo, jusqu'à avoir bénéficié d'un remake sur PlayStation 4 en 2016. On pourrait pourtant reprocher beaucoup de choses au jeu, simple démo technique sur laquelle a été greffé le gameplay de "Kung-Fu Master" en plus rigide, avec une épaisse couche de "Dragon's Lair" par-dessus. Moi-même, qui ai gagné le jeu à la régulière (!) adolescent, je n'en garde pas une très haute opinion en tant que jeu, mon acharnement tenant plus à mes troubles compulsifs d'alors qu'aux qualités ludiques du titre phare de Psygnosis...
La postérité est parfois injuste - en 1986, trois années avant la sortie de "Shadow of the Beast", sortait sur ZX Spectrum un jeu qui présentait toutes les qualités du jeu Amiga sans la plupart de ses défauts, avec de surcroît certaines innovations audacieuses tant sur le plan ludique qu'immersif : je veux parler de "Thanatos" de Durell Software, qui est malheureusement beaucoup moins resté dans les mémoires en dépit d'un certain succès rencontré sur les ordinateurs 8-bit.
"Thanatos" a de nombreux points communs avec "Shadow of the Beast" : c'est en premier lieu une incroyable prouesse technique, mise au service d'un sens artistique impressionnant, qui lui-même ébauche un univers à la fois cohérent, mystérieux et envoûtant dans lequel on a plaisir à évoluer, chose encore assez rare à l'époque. C'est aussi un jeu assez sombre, qui nous propose de jouer un monstre effrayant, chose également plutôt inhabituelle dans le contexte d'alors. Enfin, il faut bien le reconnaître, le gameplay de chacun des deux jeux n'est pas forcément exaltant ; mais sur ce point comme le précédent, j'espère réussir à vous convaincre que "Thanatos" s'en sort plutôt mieux que son concurrent sur Amiga...
La postérité est parfois injuste - en 1986, trois années avant la sortie de "Shadow of the Beast", sortait sur ZX Spectrum un jeu qui présentait toutes les qualités du jeu Amiga sans la plupart de ses défauts, avec de surcroît certaines innovations audacieuses tant sur le plan ludique qu'immersif : je veux parler de "Thanatos" de Durell Software, qui est malheureusement beaucoup moins resté dans les mémoires en dépit d'un certain succès rencontré sur les ordinateurs 8-bit.
"Thanatos" a de nombreux points communs avec "Shadow of the Beast" : c'est en premier lieu une incroyable prouesse technique, mise au service d'un sens artistique impressionnant, qui lui-même ébauche un univers à la fois cohérent, mystérieux et envoûtant dans lequel on a plaisir à évoluer, chose encore assez rare à l'époque. C'est aussi un jeu assez sombre, qui nous propose de jouer un monstre effrayant, chose également plutôt inhabituelle dans le contexte d'alors. Enfin, il faut bien le reconnaître, le gameplay de chacun des deux jeux n'est pas forcément exaltant ; mais sur ce point comme le précédent, j'espère réussir à vous convaincre que "Thanatos" s'en sort plutôt mieux que son concurrent sur Amiga...
dimanche 27 novembre 2022
Vampire Vengeance (ZX Spectrum) Ariel Endaraues
Le jeu vidéo a toujours été un art immersif : déjà en 1979, "Adventure" parvenait à captiver les joueurs sur Atari 2600 malgré des moyens techniques très sommaires - même si on devait alors puiser copieusement dans son imagination, on attendait déjà du jeu vidéo qu'il nous permette de nous évader en plus de nous amuser : pouvoir visiter de vastes paysages exotiques, être confronté à des créatures étranges, effectuer des actions impossibles dans la vraie vie, et... incarner quelqu'un d'autre !
Comme la littérature ou le cinéma, le jeu vidéo nous projette en effet dans la peau d'un personnage, et il le fait avec une efficacité particulière puisqu'on contrôle ici ledit personnage à l'écran ! Très naturellement, les jeux ont plutôt choisi de nous faire jouer des personnages positifs, des héros archétypiques que les enfants rêvent d'être un jour : de vaillants chevaliers, de courageux soldats, d'impétueux pilotes, d'héroïques pompiers, etc. Ils ont aussi pu nous amuser en nous faisant jouer un chat, une souris, une toupie, une citrouille ou une grenouille.
Assez rapidement, cependant, est arrivée la tentation de nous faire jouer un personnage négatif, et pourquoi pas un monstre. Bien sûr, lorsque le jeu vidéo était un média récent surtout destiné aux enfants, cette tentation a rencontré de fortes réticences : incarner un monstre et effectuer des actions répréhensibles n'allait-il pas influencer négativement la psychologie des joueurs ? Alors que le jeu vidéo s'est démocratisé et banalisé, cependant, ces réticences se sont dissipées, et on a pu incarner librement qui on voulait.
Et tant qu'à jouer un monstre, quoi de mieux qu'un vampire ?
Le vampire est en effet un choix idéal de monstre à incarner : sur le plan immersif, celui-ci bénéficie d'un certain prestige et d'une certaine prestance (bien plus qu'un zombie, par exemple), et il peut se prêter facilement à un cadre ou un ton au choix romantique, horrifique ou tragique. Sur le plan ludique, le vampire est aussi très intéressant : il est endurant mais vulnérable à des choses bien spécifiques, il doit attaquer au contact mais craint certaines armes de lancer (pieux projetés ou jet d'eau bénite), il chasse plutôt à l'affût pour se nourrir mais est lui-même chassé en meute, et bien sûr, il peut se transformer en diverses choses voire même voler : simplement énumérer ses caractéristiques semble dicter le gameplay d'un jeu à lui tout seul !
Si de nombreux jeux vidéo ont pu mettre en scène un vampire, cependant, peu ont véritablement su transcrire sa nature spécifique en contenu ludique : soit l'aspect immersif du jeu est en-deça, soit son gameplay...
Comme la littérature ou le cinéma, le jeu vidéo nous projette en effet dans la peau d'un personnage, et il le fait avec une efficacité particulière puisqu'on contrôle ici ledit personnage à l'écran ! Très naturellement, les jeux ont plutôt choisi de nous faire jouer des personnages positifs, des héros archétypiques que les enfants rêvent d'être un jour : de vaillants chevaliers, de courageux soldats, d'impétueux pilotes, d'héroïques pompiers, etc. Ils ont aussi pu nous amuser en nous faisant jouer un chat, une souris, une toupie, une citrouille ou une grenouille.
Assez rapidement, cependant, est arrivée la tentation de nous faire jouer un personnage négatif, et pourquoi pas un monstre. Bien sûr, lorsque le jeu vidéo était un média récent surtout destiné aux enfants, cette tentation a rencontré de fortes réticences : incarner un monstre et effectuer des actions répréhensibles n'allait-il pas influencer négativement la psychologie des joueurs ? Alors que le jeu vidéo s'est démocratisé et banalisé, cependant, ces réticences se sont dissipées, et on a pu incarner librement qui on voulait.
Et tant qu'à jouer un monstre, quoi de mieux qu'un vampire ?
Le vampire est en effet un choix idéal de monstre à incarner : sur le plan immersif, celui-ci bénéficie d'un certain prestige et d'une certaine prestance (bien plus qu'un zombie, par exemple), et il peut se prêter facilement à un cadre ou un ton au choix romantique, horrifique ou tragique. Sur le plan ludique, le vampire est aussi très intéressant : il est endurant mais vulnérable à des choses bien spécifiques, il doit attaquer au contact mais craint certaines armes de lancer (pieux projetés ou jet d'eau bénite), il chasse plutôt à l'affût pour se nourrir mais est lui-même chassé en meute, et bien sûr, il peut se transformer en diverses choses voire même voler : simplement énumérer ses caractéristiques semble dicter le gameplay d'un jeu à lui tout seul !
Si de nombreux jeux vidéo ont pu mettre en scène un vampire, cependant, peu ont véritablement su transcrire sa nature spécifique en contenu ludique : soit l'aspect immersif du jeu est en-deça, soit son gameplay...
Sujets :
itch.io,
Jeux de plateformes,
Old school,
Retrogaming
mercredi 2 novembre 2022
Donut Dodo (Steam) pixel.games
Le triomphe commercial, populaire et critique de "Shovel Knight" en 2014 n'a pas seulement été celui d'un jeu, ça a aussi été celui de toute la révolution rétro qui l'a précédé, et qui a réussi à relégitimer le jeu vidéo en 2D, le gameplay "arcade", les gros pixels, etc. autour de l'année 2010. Mais plus spécifiquement, ce triomphe a aussi voire surtout été celui d'une certaine philosophie...
En effet, si de nombreuses raisons expliquent le succès de "Shovel Knight", l'une d'elle en particulier tient à la vision du jeu rétro propre à Yacht Club Games : "Au lieu d'émuler exactement une NES", a ainsi expliqué David D'Angelo, un des programmeurs du studio, "nous voulions créer l'image idéalisée d'un jeu 8-bit".
Tous les jeux rétro ne partagent pas cette même philosophie, mais celle-ci a parfaitement fonctionné pour "Shovel Knight" et ses variantes ("Plague of Shadows", "Specter of Torment" et "King of Cards", que je trouve tous nettement supérieurs au jeu original). Partant de là, assez naturellement, la réussite de Yacht Club Games a promu son concept "d'image idéalisée", qui aura donc été repris par beaucoup d'autres jeux rétro ultérieurs, parmi lesquels "Donut Dodo" sorti sur Steam (entre autres) en juin 2022.
Au lieu d'évoquer un jeu NES comme "Shovel Knight", "Donut Dodo" veut faire revivre l'expérience des jeux d'arcade à tableaux du début des années 1980 (1983 en particulier) : "Donkey Kong" et sa suite évidemment, "Burger Time", "Monster Bash", "Mappy", "Jump Coaster", etc. avec de surcroît quelques allusions à "Pac-Man" et à "Manic Miner". L'illusion est parfaite : les graphismes, l'univers, le ton, les contrôles, le gameplay, etc. nous renvoient tous à l'époque référencée, le jeu zigzaguant entre les hommages sans jamais perdre sa propre personnalité.
Mais lorsqu'on regarde "Donut Dodo" de plus près en le comparant aux classiques (et non aux souvenirs que l'on peut en avoir), on réalise qu'il s'agit bel et bien d'une illusion : le jeu est en réalité beaucoup plus moderne qu'il n'en a l'air, reprenant le meilleur de la période concernée mais profitant aussi de 40 ans d'histoire vidéoludique pour affiner, assouplir, condenser, embellir, dynamiser, etc. l'expérience par rapport à ses modèles, transposant merveilleusement ses valeurs rétro au contexte ludique d'aujourd'hui...
En effet, si de nombreuses raisons expliquent le succès de "Shovel Knight", l'une d'elle en particulier tient à la vision du jeu rétro propre à Yacht Club Games : "Au lieu d'émuler exactement une NES", a ainsi expliqué David D'Angelo, un des programmeurs du studio, "nous voulions créer l'image idéalisée d'un jeu 8-bit".
Tous les jeux rétro ne partagent pas cette même philosophie, mais celle-ci a parfaitement fonctionné pour "Shovel Knight" et ses variantes ("Plague of Shadows", "Specter of Torment" et "King of Cards", que je trouve tous nettement supérieurs au jeu original). Partant de là, assez naturellement, la réussite de Yacht Club Games a promu son concept "d'image idéalisée", qui aura donc été repris par beaucoup d'autres jeux rétro ultérieurs, parmi lesquels "Donut Dodo" sorti sur Steam (entre autres) en juin 2022.
Au lieu d'évoquer un jeu NES comme "Shovel Knight", "Donut Dodo" veut faire revivre l'expérience des jeux d'arcade à tableaux du début des années 1980 (1983 en particulier) : "Donkey Kong" et sa suite évidemment, "Burger Time", "Monster Bash", "Mappy", "Jump Coaster", etc. avec de surcroît quelques allusions à "Pac-Man" et à "Manic Miner". L'illusion est parfaite : les graphismes, l'univers, le ton, les contrôles, le gameplay, etc. nous renvoient tous à l'époque référencée, le jeu zigzaguant entre les hommages sans jamais perdre sa propre personnalité.
Mais lorsqu'on regarde "Donut Dodo" de plus près en le comparant aux classiques (et non aux souvenirs que l'on peut en avoir), on réalise qu'il s'agit bel et bien d'une illusion : le jeu est en réalité beaucoup plus moderne qu'il n'en a l'air, reprenant le meilleur de la période concernée mais profitant aussi de 40 ans d'histoire vidéoludique pour affiner, assouplir, condenser, embellir, dynamiser, etc. l'expérience par rapport à ses modèles, transposant merveilleusement ses valeurs rétro au contexte ludique d'aujourd'hui...
Sujets :
Jeux à scores,
Jeux de plateformes,
Old school,
Steam