mardi 22 mars 2022

Environmental Station Alpha (Steam) Arvi Teikari

Quand "Metroid Fusion" est sorti sur Game Boy Advance en 2002, cela faisait huit longues années que les amoureux de "Metroid" attendaient une suite au légendaire "Super Metroid" : les choix du jeu portable avaient alors été âprement débattus pour déterminer s'il avait su se montrer à la hauteur de l'événement, mais personne n'avait osé imaginer à l'époque qu'il allait encore falloir attendre près de vingt ans (!) pour que l'histoire de la saga continue. Bien sûr, entretemps, des spin-off, des préquelles et des remakes ont alimenté la série officielle, mais ce n'est qu'avec la sortie de "Metroid Dread" en 2021 sur Nintendo Switch qu'un nouvel épisode en deux dimensions a enfin repris les choses là où elles s'étaient arrêtées.

Pour combler ce manque, les joueurs ont d'abord dû se tourner vers les grands éditeurs, dont Konami avec ses metroidvania sortis sur GBA et Nintendo DS (rappelons que le mot désigne au départ les jeux "Castlevania" dans le style de "Symphony of the Night") ; mais à partir de la généralisation de la vente de jeux par téléchargement et du jeu vidéo indépendant, tout a changé... Profitant de l'inadéquation entre une trop petite offre et une trop grande demande, de jeunes développeurs passionnés ont produit énormément de jeux dans ce genre autrefois assez rare : parmi les exemples les plus mémorables, ont peut citer "Axiom Verge" (qui semble au départ plagier "Metroid" mais se trouve par la suite en situation de lui donner quelques leçons de game design) et "Hollow Knight" (même si pour ma part, le jeu me paraît beaucoup plus proche des "Wonder Boy" depuis "The Dragon's Trap", mais passons).


Dans ce lot de jeux à la "Metroid" sortis autour de 2015, un jeu est passé inaperçu alors qu'il est mon préféré du genre ; il n'y a ceci dit rien d'étonnant à ce que "Environmental Station Alpha" ait été discret puisqu'il s'agissait du premier jeu commercialisé par son auteur, qu'il l'a été uniquement sur Steam, et qu'il ne paye vraiment pas de mine... Quatre ans plus tard, cet auteur allait cependant connaître une petite célébrité grâce à son deuxième jeu commercialisé, "Baba Is You", vendu notamment sur Nintendo Switch : le fameux jeu de puzzles où l'on doit changer les règles pour progresser a su séduire la presse comme les joueurs, ce qui ne m'a pas surpris - après avoir joué à "Environmental Station Alpha", je gardais un œil rivé sur Arvi Teikari alias Hempuli ; son intelligence de design, sa passion et son talent étaient à la fois évidents et prometteurs...

Comme "Axiom Verge", "Environmental Station Alpha" donne au départ une impression de plagiat tellement l'affiliation à "Metroid" (l'épisode NES en particulier) saute aux yeux, mais cette impression se dissipe aussi vite que dans le jeu de Tom Happ : tous les repères principaux sont là, les références sont revendiquées, mais les équilibres y sont très différents.

La série des "Metroid" elle-même repose sur des équilibres subtils établis entre des forces contraires, c'est ce qui fait sa richesse : elle oscille entre la vision d'un gameplay de jeu d'action très exigeant à la frontière du survival horror et celle d'un gameplay de jeu d'aventure où l'immersion prévaut sur l'action ; entre la vision d'un environnement labyrinthique froid et neutre dans lequel tout se ressemble et celle d'un environnement très hiérarchisé, détaillé et plein de personnalité ; entre la vision d'un univers de "pulp SF" coloré et exotique (des "Pirates de l'Espace" à la dégaine de craignos monsters, un cerveau géant dans une jarre, un ptérodactyle violet qui crache du feu et vole dans l'espace) et celle d'un univers plausible et sinistre qui rend un hommage explicite à "ALIEN"... Chacun des épisodes de la saga arbitre entre ces forces et les réinterprète à sa façon, offrant ainsi une expérience unique.


Ici, l'équilibre rappelle celui de "Metroid Fusion", qui a probablement servi de source d'inspiration : les deux jeux placent l'action et la survie au premier plan et manifestent la volonté évidente d'offrir un rythme nerveux et resserré, ce qui contraint inévitablement l'exploration à être très fluide voire guidée (c'est mécanique : si on tourne en rond en ne sachant plus quoi faire ou si on met trop longtemps à aller et venir, le rythme ralentit). Mais les similitudes ne s'arrêtent pas là, le pitch des deux jeux est presque identique ! En effet, on incarne dans les deux cas un héros aux allures de robot qui doit mener l'enquête au sein d'une station spatiale conçue comme un zoo extraterrestre, cette station ayant connu un mystérieux événement qui a soudain exterminé tout son équipage...

"Environmental Station Alpha" comporte néanmoins des nuances importantes qui lui permettent d'affirmer sa propre identité, sur le fond (vidéoludique) comme sur la forme (narrative et immersive).

Sur le plan narratif, déjà, notre protagoniste n'a pas seulement des "allures de robot", c'est un robot, et pas un robot à la Megaman qui aurait une personnalité ou des émotions, ni même un robot qui serait humanisé par une personne qui communiquerait avec lui (façon R2-D2 dans "Star Wars"), non, c'est un simple robot autonome qui suit tout seul son programme sans prononcer le moindre dialogue et sans la moindre action suggérant qu'il ait une conscience...
Cela ne semble pas important au début, mais quand l'ambiance s'installe, le contexte horrifique typique de "Metroid" sort renforcé par le fait qu'il n'y ait absolument aucun humain pendant tout le jeu, pas même le héros, uniquement des créatures extraterrestres laissées à l'abandon, des entités innommables, et des intelligences artificielles. En fait, les seules choses humaines du jeu sont les enregistrements désespérés de l'équipage disparu et le design de la station qui, non entretenue, tombe en ruine...


Car en plus du héros, le cadre et la gestion du cadre ne sont pas exactement les mêmes. Dans "Metroid Fusion", notre zoo sidéral est encore en bon état puisque le désastre qui l'a touché est récent, et Samus Aran reste constamment en contact avec l'extérieur. Ici, les communications sont coupées dès le début du jeu, la station est abandonnée depuis plusieurs décennies, et il ne s'agit pas seulement d'un zoo, c'est aussi un musée : la station entière a en fait été construite autour de très anciennes ruines extraterrestres découvertes dans le secteur, dont un temple laissé tel quel (pièges à la "Indiana Jones" compris).

Ces différences bénéficient toutes au contexte horrifique caractéristique du genre déjà évoqué plus haut : le jeu nous fait explorer des décors futuristes en bon état, d'autres décrépits et rongés par une faune et une flore étranges qui ont repris leurs droits, et on est amené à s'aventurer dans de vastes ruines extraterrestres préhistoriques remplies d'imposantes statues de divinités oubliées particulièrement inquiétantes - bref, on retrouve l'ambiance habituelle des "Metroid" qui ne comptent pas Adam Malkovich comme personnage majeur, et qui rendent à la fois hommage à "ALIEN" et à H.P. Lovecraft. En fait, le jeu insiste sur l'horreur cosmique au point de rappeler "Super Metroid" : c'est rarement souligné, mais il y a une zone du jeu SNES où l'on affronte des fantômes (!) qui hantent un vaisseau spatial dévasté par un crash - "Environmental Station Alpha" affectionne beaucoup ce type d'atmosphère mystérieuse à la limite du surnaturel qui fait travailler l'imagination : on le verra, plus on avance dans le jeu, plus cela se renforce...

Mais au-delà des éléments évidents qui différencient le cadre de "Metroid Fusion" et celui de "Environmental Station Alpha", l'esprit des deux jeux et les raisons qui motivent la nervosité de leur rythme divergent nettement. Pour bien l'expliquer, il va me falloir faire un petit aparté sur les variations de cadre au sein de la série des "Metroid", j'espère que vous aurez la patience de me suivre avant que l'on puisse revenir à "Environmental Station Alpha"...


On l'a dit, la série des "Metroid" est tiraillée entre des forces contraires, créant notamment une discordance entre d'un côté un alibi narratif héroïque plutôt kitsch, et de l'autre une expérience effective plutôt proche de l'horreur cosmique. C'est particulièrement vrai pour les épisodes fondateurs de la série sur NES et SNES, dont l'accroche est naïve : Samus Aran, l'extraordinaire chasseuse de primes, y est chargée par la Fédération Galactique de sauver le monde civilisé en détruisant le laboratoire des Pirates de l'Espace où sont élevés les "métroïdes", des sortes de méduses volantes pouvant servir d'armes biologiques. Samus se rend alors aussitôt au repaire des pirates sur la planète Zèbes, où elle atterrit juste à côté du laboratoire...

Avec un scénario digne des aventures de Buck Rogers, on pourrait s'attendre à de l'action haute en couleur ; or, au lieu de cela, on erre sans fin dans un labyrinthe de ruines impressionnantes mais sinistres habitées principalement par des créatures sauvages extraterrestres et des abominations antédiluviennes - au lieu d'être Buck Rogers, on est en pratique un héros de H.P. Lovecraft, du genre du professeur William Dyer dans "Les Montagnes Hallucinées" ! Où sont les pirates et leurs infrastructures ? On ne verra ce que l'on est venu chercher qu'à la toute fin, et encore : dans "Metroid", on ne croise aucun pirate, et dans "Super Metroid", il y en a très peu, et aucun dans le laboratoire ! On peut aussi se demander pourquoi les jeux se passent dans des ruines alors que l'on a tout de suite trouvé la porte du laboratoire "secret" ? Réponse : parce que la porte est fermée à clef, et on cherche la clef dans les ruines d'à côté ! Évidemment, c'est une convention vidéoludique, mais elle est un peu ridicule...

La série des "Metroid Prime" a bien compris cette contradiction, et ses deux premiers épisodes l'ont résolu grâce à un compromis : Samus y est encore mandatée pour pourchasser les pirates, mais en les pistant, elle découvre une autre menace, le Phazon et les créatures associées, que les pirates essaient d'exploiter alors que le Phazon est un minerai toxique et mutagène incontrôlable...


La solution mise en œuvre par Retro Studios est admirable ; non seulement elle permet de concilier les deux lignes déjà évoquées, mais elle enrichit chacune d'elles sans que l'une empiète sur l'autre : du côté "Buck Rogers", on affrontera bel et bien les pirates et on détruira effectivement leurs installations, et du côté "William Dyer", on investiguera avec grand soin les ruines cyclopéennes des civilisations dévastées par le Phazon, déchiffrant le récit de leur calvaire tout en devant composer avec des monstruosités variées.

Nous en arrivons maintenant à "Metroid Fusion", qui a résolu les contradictions de la série de façon contraire aux "Metroid Prime" : au lieu de faire des compromis, il tranche, il congédie William Dyer et intronise Buck Rogers, il revendique l'héroïsme et l'urgence dramatique de la série alors qu'il abandonne les aspects les plus gothiques de l'horreur, choisissant avec le parasite X une menace plus physique, moins romantique, plus directe.
Le jeu décale ainsi la temporalité : on s'y trouve confronté en temps réel aux événements qui feront de la station une ruine au lieu d'examiner ces ruines post-mortem ; c'est pour cela que l'on arrive dans une station encore en bon état - le jeu veut nous narrer sa chute étape par étape, il se joue exactement comme un film catastrophe interactif, il est tout entier structuré autour de ce concept : j'ai dit précédemment que "Metroid Fusion" et "Environmental Station Alpha" plaçaient l'action et la survie au premier plan, mais je n'ai pas parlé de gameplay ; le rôle de l'action et du rythme, ici, est avant tout de servir la narration et l'immersion - on part du début de la crise, et on suit Samus qui court d'urgence en urgence jusqu'à ce que tout s'écroule ; les situations successives sont subies.

Comme "Metroid Fusion", "Environmental Station Alpha" ne présente pas les incohérences ni la gratuité du cadre des "Metroid" sur NES et SNES, il évite les compromis et le romantisme des "Metroid Prime", il tranche lui aussi de façon très froide, mais il le fait à rebours de "Metroid Fusion", évacuant l'héroïsme, l'urgence et le drame pour se concentrer sur une horreur très distanciée...


On l'a dit, le héros de "Environmental Station Alpha" est un robot sans personnalité, il n'y a donc pas ici d'héroïsme... la station est abandonnée depuis plusieurs décennies, tout le monde y est déjà considéré comme mort, et l'événement qui déclenche le jeu est simplement la réception de signaux émis depuis la station - il n'y a donc aucune urgence. En fait, sans rien divulguer, si l'opérateur qui a détecté les signaux avait haussé les épaules au lieu d'envoyer un robot d'exploration, il ne se serait absolument rien passé ! Nous sommes donc ici loin d'un ultimatum mettant la galaxie en danger et nécessitant l'intervention d'un héros exceptionnel, nous sommes plutôt proches des routiers spatiaux de "ALIEN" qui captent un SOS en plein transit de minerai...
En vérité, sur le plan immersif, si on devait forcément rattacher "Environmental Station Alpha" à un "Metroid", ce serait davantage "Metroid II : Return of Samus" que "Metroid Fusion" - dans le jeu Game Boy (qui est incidemment mon "Metroid" en 2D préféré), même si on incarne la fabuleuse Samus Aran en mission pour la Fédération Galactique, la mission en question est peu glorieuse : exterminer tous les métroïdes de SR388, leur planète natale, pour éviter qu'une force ennemie n'en fasse mauvais usage. Sur la planète, il n'y a aucun être sentient, juste un écosystème certes étrange et hostile, mais harmonieux, où les métroïdes remplissent un rôle important (cf. "Metroid Fusion"). Samus est donc l'élément perturbateur ; l'héroïsme et l'urgence sont nettement amoindris comparé au reste de la série, et le jeu enfonce le clou en laissant le dernier bébé métroïde nous sauver la vie - puis, on apprendra lors de "Metroid Fusion" que notre mission était une grave erreur...

"Environmental Station Alpha" a la même ambiance nihiliste, la même noirceur. Quand on arrive, la station est calme : la plupart de ses services sont à l'arrêt, et les créatures du zoo, livrées à elles-mêmes, forment ici aussi un écosystème harmonieux, que notre robot vient perturber sans raison véritablement pressante, comme Samus sur SR388. C'est nous qui causons les situations lors de notre enquête, alors que l'on rallume un à un les services de la station que l'équipage avait eu tant de mal à stopper...


Le rythme resserré de "Environmental Station Alpha" ne provient donc pas d'un scénario de film catastrophe qui chapeauterait le gameplay à la façon d'un metteur en scène, c'est la station elle-même qui nous invite passivement à aller de l'avant : à l'inverse de "Metroid Fusion", notre robot ne subit pas, il s'impose - au lieu d'être poussé par un script, il est comme aspiré par le level design, comme Kane dans "ALIEN" était irrésistiblement attiré toujours plus loin au cœur de l'épave extraterrestre...
Ainsi, la force motrice du rythme de "Environmental Station Alpha" est son gameplay plutôt que sa narration, cette dernière étant d'ailleurs minimaliste : le jeu est nerveux tout simplement parce que sa maniabilité, son level design, son défi, etc. sont nerveux ; alors que le gameplay de "Metroid Fusion" est sur le fond très proche de celui de "Super Metroid", c'est-à-dire plutôt rigide.

Même s'il est impossible de ne pas penser à "Metroid Fusion" quand on joue à "Environmental Station Alpha", ce dernier présente ainsi un équilibre unique - son cadre est une "scène de crime" horrifique encore plus froide que n'importe quel cadre de "Metroid", mais le jeu est néanmoins aussi excitant que "Metroid Fusion" grâce à son gameplay, qui est son originalité et sa caractéristique principales : que cela ait été une intention consciente de son développeur ou non, "Environmental Station Alpha" résulte en effet de l'idée surprenante consistant à croiser en quelque sorte "Metroid" avec un "hardcore platformer".

Le "hardcore platformer", aussi appelé "precision platformer", est un genre néo-rétro dont l'un des représentants les plus connus et les plus appréciés est "Super Meat Boy". Le concept est simple : renouer avec les racines old school du genre, qui sont celles d'un jeu d'adresse, mais moderniser l'expérience en la rendant extrêmement dense, sans temps mort. Ainsi, ces jeux abandonnent le concept d'endurance pour lui préférer celui de performance : leur défi est très difficile mais permet des tentatives illimitées dans des niveaux très courts (ou aux checkpoints très resserrés) ; réessayer autant de fois que nécessaire n'est donc jamais laborieux.


Ce game design est franchement transgressif pour un jeu à la "Metroid" ; le jeu NES qui a fondé la série repose au contraire sur un lent investissement : des semaines voire des mois à dessiner une carte, à sonder les moindres recoins à la recherche de passages secrets et de powerups, à décider d'un chemin optimal (beaucoup de zones sont inutiles) reliant toutes les nouvelles capacités de Samus, et à apprivoiser petit à petit une maniabilité, du platforming et des combats dignes d'un survival horror, c'est-à-dire exigeant beaucoup de méthode, d'anticipation et de patience afin de composer avec leurs particularités (on doit se transformer en boule et poser des bombes pour neutraliser les ennemis rampants, on ne peut pas viser en diagonale, les déplacements causent une inertie assez spéciale, la gestion des munitions et de l'énergie obligent à faire beaucoup de farming où l'on détruit les mêmes ennemis en boucle afin de produire des recharges, etc.).
Les deux jeux suivants sont plus souples, s'éloignant du survival horror mais aussi du jeu d'action : "Metroid II : Return of Samus" consiste surtout à se repérer sans carte en tâtonnant dans un vaste réseau de grottes à la topographie accidentée, et le gameplay de "Super Metroid" relève principalement du jeu d'aventure ("Où doit-on utiliser tel objet que l'on vient de trouver ?") - on y est très, très loin de la logique d'un jeu d'adresse cherchant à éliminer les temps morts.

"Environmental Station Alpha" respecte les principes fondamentaux des "Metroid" : on s'y trouve dans un immense labyrinthe dont certaines zones sont infranchissables jusqu'à ce que l'on trouve le bon powerup ; son gameplay est un mélange entre platforming, combats, exploration et puzzles environnementaux ; et, comme on vient longuement de le voir, le cadre du jeu correspond bien au contexte de science-fiction horrifique de la série de Nintendo. Au contraire de cette dernière, cependant, l'expérience manette en mains évoque davantage un jeu de Matt Thorson ("Celeste") qu'un jeu d'aventure ou un survival horror (le survival horror étant par ailleurs une variante du jeu d'aventure)...


Pour commencer, un détail révélateur : de manière très inhabituelle pour le genre, le héros fait ici un bloc de côté et non deux blocs de haut, ce qui fluidifie beaucoup les déplacements et facilite la précision ; on n'a pas à se transformer, à ramper, ou à utiliser un drone comme dans "Axiom Verge" pour se faufiler dans les espaces étroits, on peut toujours aller partout sans ralentir et sans se cogner grâce à ce format carré plus intuitif, comme dans la plupart des "hardcore platformers". Autre détail pas si anodin : la station ne comporte pas de portes, on passe d'une zone à une autre sans attendre l'ouverture d'un sas, ce qui resserre l'action.

Ensuite, chose assez remarquable pour un jeu à la "Metroid" qui se déroule dans un univers de science-fiction : pour se défendre, notre héros n'utilise pas de projectiles, il génère devant lui une sorte de barre laser orientable dans quatre directions, ce qui nous contraint à nous battre au contact, et donc à nous exposer à des ennemis variés aux schémas de déplacement et d'attaque divers. Cette barre est de surcroît longue et très fine et n'attaque pas par combo, la logique des combats reste donc bien distincte d'un jeu avec une arme blanche ("Hollow Knight", par exemple) où la zone d'attaque est toujours très large - ici, il faut être très précis.

Ce dernier point est important ; au-delà d'une question de gameplay, c'est une question de philosophie de game design : dans tous les "Metroid" qui suivent le premier épisode sur NES à l'exception notable de "Metroid Other M", les combats sont en réalité assez secondaires, servant de remplissage ou de mini-puzzle (lorsqu'il faut geler les ennemis pour s'en servir de plateforme par exemple, ou lorsqu'on doit les éliminer selon une procédure très spécifique comme c'est souvent le cas dans les "Metroid Prime"). En effet, à partir du moment où l'on peut tirer à distance sur des ennemis attaquant au contact, les choses sont franchement déséquilibrées, il s'agit d'une extermination plutôt que d'un affrontement, surtout lorsque les créatures sont peu agressives voire vivent leur vie sans faire trop attention à nous, ce qui est fréquent dans le bestiaire de la série - "Metroid" n'est pas "Contra" !


On l'a déjà brièvement évoqué : même "Metroid Fusion", qui cherche à créer un climat continu de tension, le fait davantage par sa mise en scène que par son gameplay ; sur le fond, l'action n'y est guère différente des deux jeux qui l'ont précédé, y survivre tient davantage à savoir garder ses distances, à être prudent et méthodique lorsqu'on "nettoie" une zone, et à recharger régulièrement ses (nombreuses, jusqu'à 20) réserves d'énergie (99 points de vie chacune) - bref, à l'endurance, plutôt que ça ne tient à l'adresse, aux réflexes, ou à la coordination - bref, à la performance.

Dans "Environmental Station Alpha", on ne peut pas garder ses distances, on commence le jeu (au mode de difficulté "Normal", le seul mode disponible à l'origine) avec 10 points de vie pour le finir dans le meilleur des cas avec 30 points de vie, et le seul moyen de recharger son énergie se trouve aux points de sauvegarde ou aux points de réparation. En plus de ça, les ennemis que l'on doit affronter au contact sont très mobiles et agressifs : sautant, volant, se laissant tomber brutalement sur nous, tirant des projectiles, grossissant avec chaque tir, se subdivisant, etc. - difficile de s'y frotter sans y perdre des plumes ; la survie n'est pas ici une simple toile de fond narrative ou une vague menace de long terme, c'est un impératif aussi concret et immédiat que dans un jeu d'arcade : sera-t-on seulement capable d'arriver vivant au prochain point de sauvegarde ou de réparation ?

Cette âpreté de la survie est particulièrement prononcée face aux boss : ceux-ci sont redoutables, spectaculaires, souvent articulés en plusieurs phases, et ils sont surtout très nombreux, au point où des joueurs malicieux ont décrit "Environmental Station Alpha" comme un long "boss rush" entrecoupé de courts intermèdes - c'est une plaisanterie plutôt pertinente, le jeu débloque d'ailleurs un authentique "boss rush" dans la zone volcanique de la station (il est excellent) après que tous les boss aient été vaincus. J'ai choisi de dévoiler ici un seul boss (cf. deux images plus haut, un boss plutôt mineur) afin de ne pas gâcher le plaisir de la découverte...


On retrouve dans les boss de "Environmental Station Alpha" les mêmes qualités que dans les autres ennemis du jeu : beaucoup de vivacité, de la variété, une forte exigence de réactivité et de rigueur, et une excellente animation. Le jeu en général est difficile, mais les boss sont particulièrement brutaux : il est courant de perdre l'intégralité de sa barre d'énergie en quelques secondes lors de ses premières rencontres, mais il ne faut pas se décourager - pour peu que l'on soit attentif et que l'on sache s'adapter, on progresse régulièrement jusqu'à la victoire, les boss (comme les autres ennemis) ayant le bon goût de ne pas être des sacs à points de vie : là encore, la performance est privilégiée par rapport à l'endurance.

La gestion des points de sauvegarde est parfaitement adaptée au défi relevé du jeu : ils sont très nombreux, il y en a toujours un à proximité des boss, et renaître après un Game Over est presque instantané. D'ailleurs, sauvegarder est aussi très rapide : au lieu d'occuper une pièce à part, les points de sauvegarde sont placés au beau milieu de passages fréquentés, et il suffit de presser un bouton pour les utiliser et recharger son énergie, sans animation particulière ni message intrusif.

La philosophie de game design qui structure les combats structure également le platforming et l'exploration : dans les "Metroid", le platforming a un rôle encore plus secondaire que les combats, l'exécution des actions n'est pas le problème ; il s'agit davantage de trouver quel outil utiliser à quel endroit (saut spatial, boule araignée, grappin, super vitesse, shinespark, saut mural, saut en vrille) plutôt qu'il ne s'agit (là encore) d'adresse, de réflexes, ou de coordination.

Dans "Environmental Station Alpha", les outils sont simples et intuitifs, souvent typiques des "hardcore platformers" ; on y croisera certes des blocs colorés franchissables uniquement grâce à certains powerups, mais ces derniers sont d'abord pratiques.


Le grappin est un exemple idéal puisqu'il se trouve à la fois dans "Super Metroid", "Axiom Verge" et "Environmental Station Alpha", comparer ses différences au sein des trois jeux permet de bien comprendre les spécificités propres à chaque logique ludique :
  • Dans "Super Metroid", le grappin ne peut s'accrocher qu'à des attaches très reconnaissables, que l'on remarque avant même d'acquérir le powerup. On s'en sert comme d'un rayon ordinaire (son nom complet est "rayon grappin"), on peut donc l'orienter dans toutes les directions et tirer sur les ennemis avec, mais sa portée est très courte et il est inutile lors des combats en dehors de cas très spécifiques. Si on parvient à le connecter à une attache, le rayon nous rapproche aussitôt d'elle, puis on peut rallonger ou raccourcir la longueur du rayon en allant en haut ou en bas, et se balancer en allant à gauche ou à droite. Tant que l'on garde le bouton de feu appuyé, on reste accroché. Il est parfois nécessaire d'utiliser son élan pour se projeter, opération rendue hasardeuse par la physique particulière de "Super Metroid", mais ces passages sont rares, sans danger, et plutôt faciles : dans l'ensemble, le rayon grappin joue en réalité le rôle d'une clef colorée qui ouvrirait toutes les portes de même couleur - on aperçoit une accroche, on sort le grappin, on franchit l'obstacle sans problème, et on peut continuer tranquillement son chemin...
  • Dans "Axiom Verge", le grappin peut s'accrocher à n'importe quel plafond, c'est donc à nous de déterminer où il serait pertinent de l'utiliser après avoir examiné les environs et la carte automatique du jeu (examen d'autant plus nécessaire que les aires de jeu de "Axiom Verge" sont larges, aérées, et d'aspect plutôt accidenté). Le maniement du grappin est très simple, rappelant celui de "Bionic Commando" sur NES : par défaut, le bouton dédié le lance en diagonale haute, mais il est aussi possible de le lancer vers le haut en prenant cette direction ; il s'accroche au contact d'un plafond à portée, puis nous balance en boucle à gauche et à droite automatiquement. On se dégage en fin de balancement en laissant une direction appuyée, sans timing et sans inertie, se balancer de prise en prise est ainsi très facile, et on peut aussi allonger ou raccourcir le grappin en allant en haut ou en bas.
  • Dans "Environmental Station Alpha", le grappin peut se lancer uniquement en diagonale haute, et peut s'accrocher à n'importe quel mur ou plafond situé à portée (à part un type de bloc précis). Une fois accroché, le grappin conserve la même longueur, puis nous fait automatiquement décrire un arc de cercle vers l'avant, au terme duquel il se détache et nous propulse vers le haut en restituant l'inertie de façon très fidèle - cela signifie que l'on sera propulsé d'autant plus haut que l'arc de cercle est grand (un rayon de grappin plus long donne plus d'élan), et surtout, d'autant plus haut que notre vitesse avant balancement était grande (typiquement, lorsqu'on se balance après une longue chute). Son usage exige donc un timing rigoureux et une certaine planification, on doit d'ailleurs souvent enchaîner les balancements ou alterner différentes capacités alors que l'on reste dans les airs. Même s'ils ne fonctionnent pas de façon exactement identique, les sensations procurées par le grappin de "Environmental Station Alpha" sont en fait très voisines de celles procurées par le grappin de "Give Up, Robot" de Matt Thorson (2010), un excellent "hardcore platformer" en Flash.
On voit bien les différences : le grappin de "Super Metroid" est intimidant, avec un gros potentiel ludique tant en ce qui concerne l'exploration que l'action, mais en réalité, sa seule difficulté survient à son acquisition, alors que l'on tente de se souvenir où l'on a déjà vu sur la carte les accroches qui lui correspondent - tout le reste (identifier les points d'accroche à l'écran, l'usage du grappin) est facile ; le grappin de "Axiom Verge" évacue quant à lui l'action (son usage est ridiculement facile), mais déterminer où l'on doit exactement s'en servir est bien moins évident ; et enfin, le grappin de "Environmental Station Alpha" semble à l'inverse de celui de "Axiom Verge" tiré tout droit d'un "hardcore platformer", avec un usage simple (il suffit de presser un bouton) et intuitif grâce à une physique très naturelle, mais aussi une forte exigence de précision.


Les autres outils d'exploration du jeu suivent la même logique : bien sûr, il y a quelques "clefs colorées" qui déverrouillent certains accès, mais il s'agit avant tout d'outils de platforming qui nous font penser "Ça va être diablement utile !" et qui bouleversent notre façon de jouer très concrètement et durablement, plutôt que l'on pense "Je vais enfin pouvoir passer les blocs rouges !".

Tout comme "Environmental Station Alpha" tempère l'exigence de ses combats avec sa gestion des points de sauvegarde, le jeu tempère l'exigence de son platforming avec une fluidité d'exploration exemplaire. La station est excellemment bien conçue, on sait toujours intuitivement où l'on se trouve : on visualise facilement l'emplacement de ses zones principales (volcanique, sous-marine, marécageuse, archéologique, etc.), on mémorise naturellement le flot de ses embranchements et ses diverses particularités, et on brûle toujours de l'explorer plus en avant. La carte automatique aide beaucoup en cela : sa vue générale est immédiatement lisible, et on dispose d'un zoom détaillé qui précise pour chaque emplacement déjà visité quels types d'objets s'y trouvent - lorsque ces objets existent en plusieurs exemplaires, ceux qui ont déjà été collectés sont grisés. Pour encore resserrer le rythme, on débloque très rapidement l'accès à des téléporteurs qui évitent les temps morts et les redites ; pour ce qui est de ces dernières, elles sont aussi neutralisées par un gameplay qui se renouvelle à chaque acquisition de powerup et par une station qui évolue plusieurs fois en cours d'aventure. Enfin, les enregistrements laissés par l'équipage, représentés à l'écran sous la forme de petits ordinateurs, indiquent régulièrement notre prochain objectif sur la carte (mais il n'est pas forcément pertinent de s'y précipiter tout de suite) ; les ordinateurs en question sont aussi utilisés par Arvi Teikari pour clarifier certains aspects du jeu et dissiper tout malentendu, quitte à briser le quatrième mur.

Jouer à "Environmental Station Alpha" est ainsi spectaculairement agréable et fluide... mais heureusement pas liquide !


En effet, le jeu a beau aménager son gameplay d'exploration à la "Metroid" afin de ne pas contrarier la nervosité de l'action, il reste néanmoins structuré de façon à stimuler la curiosité, l'observation, l'initiative, l'expérimentation, la mémoire, etc. - l'exploration n'est pas linéarisée ou édulcorée. Ainsi, même si les objectifs sont explicites comme dans "Metroid Fusion", on ne sait pas précisément comment s'y rendre, et à l'inverse du jeu de Nintendo, on reste ici constamment libre d'aller et venir où bon nous semble - on peut donc choisir par exemple d'aller dénicher au préalable d'autres améliorations afin de faciliter l'obtention du prochain objectif, surtout lorsque celui-ci est gardé par un boss.

On l'a déjà dit pour le grappin mais c'est aussi vrai pour les autres outils : comme dans "Axiom Verge", ceux-ci n'ont généralement pas des points d'application évidents - les aires de jeu sont ici beaucoup plus étroites donc il est plus facile de déduire ce que l'on doit faire pour progresser, mais il faut malgré tout prendre le temps de réfléchir. En fait, au lieu de contrarier l'exploration, la logique du "hardcore platformer" l'enrichit : en examinant les décors, on y remarquera divers endroits (une corniche, un mur, etc.) difficiles mais cependant possibles à atteindre grâce à une certaine prouesse, et en effectuant celle-ci par esprit de défi, on découvrira un nouveau passage ! "Environmental Station Alpha" comporte plusieurs moments de ce genre, et il faut aussi lire sa carte avec soin, voire même, à l'occasion, penser à désactiver certains powerups grâce au menu de "status" dédié.

Il n'y a donc pas réellement de sacrifice d'un aspect du gameplay au bénéfice d'un autre, l'action se marie harmonieusement avec l'aventure et l'immersion tout au long de notre progression au sein de la station. En vérité, l'exigence des combats et du platforming (qu'il faut relativiser, on ne va pas mourir ici dix fois par écran comme dans un pur "hardcore platformer") profite à l'immersion en rendant les lieux plus vivants et plus concrets, de la même façon qu'un objet qui nous fait du mal semble soudain plus palpable.


Les décors et l'ambiance de "Environmental Station Alpha" sont par ailleurs servis par une excellente réalisation. Vous l'avez bien évidemment remarqué grâce aux captures d'écran : la résolution du jeu est très basse, 160x120 pixels sans le HUD, moins qu'une Game Boy (160x144 pixels) - voilà ma foi des pixels de fort belle taille !

Depuis le succès du jeu vidéo néo-rétro, des joueurs se sont agacés d'un certain systématisme du pixel art à très basse résolution, reprochant aux développeurs d'adopter la solution de facilité. Dans le cas présent, c'est parfaitement exact : comme Arvi Teikari l'a confié en interview, il a une façon particulière de travailler (mais partagée avec de nombreux autres développeurs indépendants), il est incapable de se consacrer à un jeu s'il n'est pas motivé. Pour composer avec cela, il alterne entre plusieurs projets, passant de l'un à l'autre dès qu'il se lasse. Pour éviter un temps de développement trop long qui aurait pu lui faire perdre le fil de son projet ou sa motivation, il a donc décidé de simplifier la création des graphismes de son jeu en optant pour une grille de pixels grossière.

Cela ne signifie pas que les graphismes de "Environmental Station Alpha" seraient négligés, ils sont en réalité très soignés, avec plusieurs niveaux de scrolling parallaxe, des arrière-plans animés, des particules (cendres incandescentes, débris végétaux, etc.), des effets de déformation ou de traînées de lumière, une grande variété d'environnements et d'ambiances, et, comme cela a déjà été dit, des sprites très bien animés. Je tiens aussi à préciser que la résolution est véritablement respectée, il n'y a pas d'éléments qui "sortent" de la grille de pixels (je hais quand un jeu néo-rétro fait ça). Pour ma part, je trouve le jeu magnifique, mais j'ai grandi avec un Amstrad CPC et son mode 0 aux énormes pixels rectangulaires (160x200 pixels), ça aide ! J'adore cet impressionnisme numérique qui suggère plutôt qu'il ne montre et fait ainsi travailler l'imagination. L'aspect "carré" du style graphique profite aussi à l'action, les zones de collision sont ainsi bien nettes et intuitives.


Les musiques du jeu, composées par Roope Mäkinen, contribuent beaucoup à l'atmosphère : elles sont étonnamment douces, peu agressives ou menaçantes mais très suggestives - pensez aux pistes les plus relaxantes de la bande originale de "Super Metroid" (comme les profondeurs de Brinstar ou les deux thèmes de Maridia), mais en plus léger, dynamique et expressif ; elles établissent un climat permanent de mystère qui imprègne toute l'expérience.

En parlant de mystère, la quête principale de "Environmental Station Alpha" a une longueur plutôt classique pour un jeu du genre, comparable à celle de "Axiom Verge" ou d'un "Metroid" en 2D, et cette longueur sera bien sûr optimisée à chaque nouvelle partie : comme l'action et la survie occupent ici le premier plan, rejouer au jeu est très agréable et se prête bien au speedrun ; mais c'est surtout le contenu additionnel que Arvi Teikari a accumulé au fil du temps qui garantit dans un premier temps la rejouabilité du jeu, l'essentiel de ce contenu faisant la part belle aux énigmes et à l'aventure...

En effet, Arvi Teikari fait partie de ces développeurs qui continuent de s'occuper de leurs jeux bien après leur sortie : "Baba Is You" compte énormément de mises à jour, et "Environmental Station Alpha" a lui aussi bénéficié de nombreuses améliorations, parmi lesquelles des corrections de bugs, des équilibrages de difficulté, un mode "facile", un mode "défi", et surtout de nouvelles zones... En tout, le contenu "post-game" fait plus que doubler la longueur du jeu (!), avec plusieurs fins alternatives ! Cette prolongation de l'expérience se divise grossièrement en trois catégories : de nouveaux objectifs qui se situent dans la lignée du jeu principal, des sections d'adresse (combats, platforming) extrêmement difficiles au point qu'on y est pour le coup dans un gameplay "hardcore", et enfin, des énigmes parfois très complexes conçues pour être résolues par effort collaboratif, dans le style de "Fez" ou "La-Mulana" (sans toutefois atteindre les sommets d'opacité de ce dernier jeu).


Pour ma part, je préfère nettement la quête principale de "Environmental Station Alpha" à son "post-game" : j'aime les objectifs qui semblent continuer naturellement notre exploration de la station, complétant notre carte de façon très satisfaisante et éclaircissant certains mystères ; j'aime aussi que l'ambiance glisse petit à petit vers l'abstrait avec des divinités typiquement lovecraftiennes et quelques éléments surréalistes (on dirait que notre robot devient fou ou perçoit une nouvelle réalité, ce qui serait plutôt justifié par l'histoire) ; mais j'ai moins aimé les énigmes à base d'alphabet à déchiffrer ou de codes à entrer au clavier après s'être placé à des endroits précis, ainsi que certaines épreuves d'adresse d'une difficulté tout bonnement ahurissante.

Ceci étant dit, la plus grande qualité du contenu "post-game" (dont une partie existait déjà à la sortie du jeu) est qu'il n'interfère pas négativement avec le jeu principal : j'ai découvert "Environmental Station Alpha" après qu'il ait été entièrement complété, et rien ne m'a gêné - on se rend bien compte qu'il y a des choses louches ici ou là dans la station, mais cela renforce l'ambiance mystérieuse du jeu sans générer la moindre confusion. Au final, j'ai pris grand plaisir à atteindre les 203% maximaux de l'aventure, me régalant quand le jeu conservait le même type de gameplay et picorant librement dans le reste comme s'il s'agissait d'un buffet : on peut en effet choisir de relever les défis qui nous plaisent "à la régulière", et pour le reste, suivre un guide ou tricher sans vergogne puisque le fichier de sauvegarde du jeu est un simple fichier texte que l'on peut éditer, il est ainsi facile de s'octroyer autant de points de vie qu'on le souhaite, ou bien démarrer une session sur n'importe quelle case de la station dont on connaît les coordonnées.

Joué "à la régulière" ou pas, le "post-game" est donc facultatif, varié, intéressant et bien conçu, et bénéficie au jeu en suggérant un univers beaucoup plus large que ce que l'on en perçoit au départ ; mais même sans celui-ci, "Environmental Station Alpha" serait très nettement mon jeu préféré du genre.


Malgré (voire en partie grâce à) ses énormes pixels, je préfère en effet "Environmental Station Alpha" à "Hollow Knight" (de loin), à "Axiom Verge", ou à n'importe quel épisode de "Metroid", même si évidemment le jeu a une énorme dette envers Nintendo. C'est le seul jeu du genre à me captiver aussi totalement dès le démarrage d'une nouvelle partie, me conduisant irrésistiblement jusqu'à sa conclusion à chaque fois, sans anicroche, sans impatience, sans frustration, sans confusion, en cumulant à la perfection l'excitation de l'action, le charme de l'exploration, le sens du mystère, et l'horreur cosmique à la "ALIEN" que j'affectionne particulièrement.

Pour conclure, il est intéressant de noter que le jeu a été façonné par les limitations de son moteur logiciel, Multimedia Fusion 2 : comme Arvi Teikari l'a déclaré en interview, il a dû sacrifier de nombreux concepts afin que tout fonctionne correctement, dont des puzzles avec des blocs à pousser ou des sections en antigravité où nos tirs permettent de se projeter dans l'espace. En lisant cela, je me suis dit que je préférais le jeu tel qu'il est maintenant - comme quoi, même avec l'énorme puissance des machines actuelles, les jeux vidéo continuent d'être le produit d'une série de contraintes, et ce sera sans doute toujours le cas...

Quoi qu'il en soit, cela garantit une chose : si Arvi Teikari sort un jour une suite à "Environmental Station Alpha", elle sera fortement différente de l'original, et c'est très bien ainsi !

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