Depuis 2010, le "rétro" est revenu en force : alors qu'ils étaient auparavant marginalisés, le pixel art, la 2D, la logique ludique des salles d'arcade, etc. sont tour à tour (re)devenus acceptables, puis à la mode, puis totalement banals, et c'est très bien ainsi. Mais lorsqu'on examine de plus près la "vague rétro" des années 2010, cependant, on remarque que beaucoup de ses jeux s'inspirent certes du rétro, y puisent leur inspiration, mais n'adhèrent pas vraiment aux caractéristiques de leur époque de référence.
Ainsi, "Bit. Trip Beat" va bien au-delà d'un simple jeu Atari 2600, "Fez" se révèle sur le fond davantage un jeu en 3D qu'un jeu en 2D, "Super Meat Boy" ne gère pas du tout son level design et sa difficulté comme un jeu de plateformes 8-bit ou 16-bit, même chose pour "Spelunky" et son level design généré aléatoirement, etc. - tous ces jeux auraient très fortement détonné s'ils étaient sortis à l'époque à laquelle ils rendent hommage.
À l'inverse, au lieu d'être "néo-rétro", quelques jeux ont fait le choix (et pris le risque) d'entièrement embrasser le rétro, au point où leur sortie n'aurait choqué personne dans les années 1980 ou 1990. L'exemple le plus connu de cela, c'est bien sûr "Megaman 9", qui a beaucoup surpris en 2008 avec son imitation parfaite d'un jeu NES, mais il y a d'autres exemples, dont "Maldita Castilla"...
"Maldita Castilla" est un jeu du programmeur espagnol indépendant Locomalito, sorti originellement en 2012 sous la forme d'un simple fichier compressé distribué sur le site de l'auteur, puis ressorti en 2016 en version améliorée et payante sur divers supports (consoles de salon, PC, consoles portables dont une très bonne version 3DS qui gère bien le relief), et rebaptisée pour l'occasion "Cursed Castilla". Il faut signaler qu'à l'inverse d'autres jeux gratuits devenus payants, "Maldita Castilla" est resté disponible au téléchargement sur le site de son auteur même après la sortie de "Cursed Castilla".
À peine démarré, on date "Cursed Castilla" comme un jeu d'arcade de la seconde moitié des années 1980 ; il simule le boot d'une borne d'arcade, et sa réalisation, son esthétique, sa musique, sa logique ludique, sa présentation semblent toutes immédiatement familières, et pour cause : le jeu s'inscrit très précisément entre "Ghosts'n Goblins" (1985) et "Ghouls'n Ghosts" (1988) dont il reprend ouvertement les grandes lignes - le jeu vidéo évoluait vite à l'époque, et on pourrait situer le jeu en 1986 ou 1987, comme une sorte d'épisode officieux intermédiaire produit par une société concurrente de Capcom. En fait, l'affiliation saute tellement aux yeux que les critiques ont résumé le jeu de façon très lapidaire lors de sa sortie, affirmant que c'est en gros "Ghosts'n Goblins" et voilà tout. Pourtant, les choses sont beaucoup plus subtiles que cela, et il me semble d'ailleurs que l'on a un peu oublié ce qu'était "Ghosts'n Goblins" et ses suites - voilà une excellente occasion de réaliser une analyse comparée !
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mardi 7 décembre 2021
vendredi 3 novembre 2017
SteamWorld Dig (eShop 3DS et Wii U, Steam) Image & Form
"SteamWorld Dig" est un véritable petit cas d'école : c'est un jeu qui mélange les genres de la façon la plus spectaculaire que je connaisse, mixant des mécaniques ludiques habituellement bien distinctes et même des logiques de gameplay antagonistes ; on y trouve ainsi du jeu de plateformes, du "Boulder Dash", du jeu de puzzles, du level design aléatoire, du level design fixe, du Metroid, du Zelda, du jeu de gestion... et malgré toute cette hétérogénéité, le résultat est équilibré, harmonieux, cohérent, et paraît même naturel, c'est très impressionnant dans le cadre d'un jeu sorti en 2013.
Ce brassage bizarre d'éléments connus mais que l'on n'a pas l'habitude de voir ensemble concerne aussi l'univers du jeu : l'action prend en effet place dans un cadre de western très familier voire cliché, mais celui-ci est peuplé de robots anthropomorphes qui marchent à la vapeur, et tout cela se situe dans un futur dystopique à "La Machine à Explorer le Temps". Là encore, sur le papier, l'amalgame semble très hétéroclite, mais en pratique, tout se complète parfaitement.
Dans "SteamWorld Dig", nous incarnons donc un robot nommé Rusty, qui arrive dans la petite ville de Tumbletown après avoir reçu une lettre de son oncle Joe, qui y tient une mine. Une fois dans ce patelin perdu au fin fond du désert, Rusty découvre que Joe est mort et hérite de sa mine (entièrement rebouchée comme par magie) ; il décide alors de l'exploiter de nouveau pour découvrir quels secrets son oncle semble avoir découverts dans les entrailles de la terre, et ce malgré tous les dangers qui peuvent s'y trouver...
Si la surface du globe appartient en effet aux robots "steampunk", des formes de vie animales subsistent sous terre, et toutes sont hostiles - dont l'espèce humaine, qui a régressé en sortes de Morlocks irradiés et alcooliques, que les robots voient comme des nuisibles et appellent "Shiners" (de l'anglais "moonshiner", à savoir "contrebandier d'alcool", le jeu jouant sur l'image du "redneck" à la "Délivrance"). En plus de cela, des rumeurs prétendent que Joe aurait déniché sous terre une technologie étrange, que certains appellent "électricité"...
Ce brassage bizarre d'éléments connus mais que l'on n'a pas l'habitude de voir ensemble concerne aussi l'univers du jeu : l'action prend en effet place dans un cadre de western très familier voire cliché, mais celui-ci est peuplé de robots anthropomorphes qui marchent à la vapeur, et tout cela se situe dans un futur dystopique à "La Machine à Explorer le Temps". Là encore, sur le papier, l'amalgame semble très hétéroclite, mais en pratique, tout se complète parfaitement.
Dans "SteamWorld Dig", nous incarnons donc un robot nommé Rusty, qui arrive dans la petite ville de Tumbletown après avoir reçu une lettre de son oncle Joe, qui y tient une mine. Une fois dans ce patelin perdu au fin fond du désert, Rusty découvre que Joe est mort et hérite de sa mine (entièrement rebouchée comme par magie) ; il décide alors de l'exploiter de nouveau pour découvrir quels secrets son oncle semble avoir découverts dans les entrailles de la terre, et ce malgré tous les dangers qui peuvent s'y trouver...
Si la surface du globe appartient en effet aux robots "steampunk", des formes de vie animales subsistent sous terre, et toutes sont hostiles - dont l'espèce humaine, qui a régressé en sortes de Morlocks irradiés et alcooliques, que les robots voient comme des nuisibles et appellent "Shiners" (de l'anglais "moonshiner", à savoir "contrebandier d'alcool", le jeu jouant sur l'image du "redneck" à la "Délivrance"). En plus de cela, des rumeurs prétendent que Joe aurait déniché sous terre une technologie étrange, que certains appellent "électricité"...
Sujets :
Nintendo DS et 3DS,
Nintendo Wii et Wii U,
Steam
samedi 24 septembre 2016
Comprendre Nintendo grâce aux jeux "Donkey Kong"
"Nintendo, c'est toujours pareil."
On entend souvent cette phrase ou son équivalent, et il faut bien reconnaître que c'est un point de vue facile à comprendre, toute considération partisane mise à part. Nintendo, au fil des ans, a en effet inondé les joueurs de moult portages, ressorties, remakes, variantes, et surtout, on peut dire objectivement que la compagnie surexploite ses personnages et ses univers ; ce dernier point étant devenu particulièrement envahissant lorsque la Wii et la Nintendo DS ont cédé la place à la Wii U et la Nintendo 3DS : devant le départ mollasson de ses nouvelles consoles, Nintendo a dû se replier vers des valeurs sûres, et nous aura servi du Royaume Champignon à tous les repas...
C'est une politique qui à son tour peut se comprendre : parmi les grands noms du jeu vidéo des années 1980, peu sont restés des acteurs majeurs, certains ne sont désormais que des ombres de ce qu'ils ont été - il faut rester efficace et compétitif pour survivre : Nintendo sait qu'en habillant un nouveau jeu avec Mario, ses ventes seront démultipliées, et on peut s'interroger si "Mario 128", le prototype de "Pikmin" avec de petits Mario, ne se serait pas mieux vendu que n'importe lequel des épisodes de "Pikmin". Pour un "Splatoon" audacieux ayant remporté son pari, combien d'échecs comme "The Wonderful 101", qui devait dans son projet initial comporter des personnages Nintendo et s'en serait indubitablement mieux porté ?
La question de l'habillage n'est pourtant pas superposable avec l'accusation "c'est toujours pareil", en particulier quand il s'agit de Nintendo, et c'est ce que je me propose maintenant d'illustrer avec un survol partiel et subjectif des licences liées au gorille par qui tout a commencé : Donkey Kong.
On entend souvent cette phrase ou son équivalent, et il faut bien reconnaître que c'est un point de vue facile à comprendre, toute considération partisane mise à part. Nintendo, au fil des ans, a en effet inondé les joueurs de moult portages, ressorties, remakes, variantes, et surtout, on peut dire objectivement que la compagnie surexploite ses personnages et ses univers ; ce dernier point étant devenu particulièrement envahissant lorsque la Wii et la Nintendo DS ont cédé la place à la Wii U et la Nintendo 3DS : devant le départ mollasson de ses nouvelles consoles, Nintendo a dû se replier vers des valeurs sûres, et nous aura servi du Royaume Champignon à tous les repas...
C'est une politique qui à son tour peut se comprendre : parmi les grands noms du jeu vidéo des années 1980, peu sont restés des acteurs majeurs, certains ne sont désormais que des ombres de ce qu'ils ont été - il faut rester efficace et compétitif pour survivre : Nintendo sait qu'en habillant un nouveau jeu avec Mario, ses ventes seront démultipliées, et on peut s'interroger si "Mario 128", le prototype de "Pikmin" avec de petits Mario, ne se serait pas mieux vendu que n'importe lequel des épisodes de "Pikmin". Pour un "Splatoon" audacieux ayant remporté son pari, combien d'échecs comme "The Wonderful 101", qui devait dans son projet initial comporter des personnages Nintendo et s'en serait indubitablement mieux porté ?
La question de l'habillage n'est pourtant pas superposable avec l'accusation "c'est toujours pareil", en particulier quand il s'agit de Nintendo, et c'est ce que je me propose maintenant d'illustrer avec un survol partiel et subjectif des licences liées au gorille par qui tout a commencé : Donkey Kong.
mardi 6 octobre 2015
Pullblox, Fallblox et Fullblox (eShop 3DS) Nintendo
Quelle que soit la forme artistique, comparer des œuvres similaires est souvent intéressant : bien entendu, il est tout à fait légitime d'être lassé par les suites, plagiats, remakes, hommages, etc. mais il arrive quelquefois que des projets en théorie très semblables produisent en pratique des résultats très différents, parce que des nuances de vision, de talent, de contexte, de cadre, de thèmes, de ton, de mécaniques, etc. changent tout par effet domino, et c'est absolument passionnant à analyser.
Pourquoi "The Thing" de John Carpenter est-il incomparablement meilleur que son embarrassante préquelle de 2011 ? Pourquoi deux adaptations du classique d'Agatha Christie, "Le Crime de l'Orient-Express", diffèrent-elles aussi drastiquement entre le film de Sidney Lumet (1974) et le téléfilm d'ITV avec David Suchet (2010) ? Pourquoi ai-je autant aimé "Pikmin" alors que "Pikmin 2", pourtant très voisin et préféré par les joueurs et par les critiques, m'a profondément ennuyé ? Pourquoi ai-je été si agacé voire exaspéré par "Donkey Kong Country Returns" alors que j'admire "Donkey Kong Country : Tropical Freeze" au point de penser qu'il s'agit d'un des meilleurs jeux de plateformes de tous les temps ?
Le diable est dans les détails, et en remontant depuis ces résultats bien distincts jusqu'à leurs sources précises, on découvre par application de la méthode scientifique quelles causes ont quels effets : "tout est identique entre ces deux œuvres à l'exception de telle caractéristique, c'est donc telle caractéristique qui est responsable des énormes différences que l'on peut constater au final". C'est imparable et c'est simple comme bonjour, et donc, hourra pour les suites, plagiats, remakes, hommages, etc. !
Une série se prête formidablement à ce jeu-là, celle de "Pullblox", "Fallblox" et "Fullblox" ("Pushmo", "Crashmo" et "Stretchmo" aux États-Unis), tous sortis sur l'eShop Nintendo 3DS en l'espace de quatre ans. Ici, il ne s'agit pas réellement de qualité : à l'instar de "Pac-Man CE" et "Pac-Man CE DX", tous ces jeux sont excellents, mais même si au premier regard il est dur de les différencier, ils divergent largement en logique ludique, en rythme, en difficulté, etc. Il convient d'ailleurs de distinguer "Pullblox" et "Fallblox" d'un côté, qui sont sortis à un an d'intervalle et ne sont même pas à ranger dans la même catégorie de jeux de puzzles, et "Fullblox" de l'autre, qui est sorti trois ans plus tard et réalise en quelque sorte une périlleuse mais sublime synthèse de ses prédécesseurs...
Pourquoi "The Thing" de John Carpenter est-il incomparablement meilleur que son embarrassante préquelle de 2011 ? Pourquoi deux adaptations du classique d'Agatha Christie, "Le Crime de l'Orient-Express", diffèrent-elles aussi drastiquement entre le film de Sidney Lumet (1974) et le téléfilm d'ITV avec David Suchet (2010) ? Pourquoi ai-je autant aimé "Pikmin" alors que "Pikmin 2", pourtant très voisin et préféré par les joueurs et par les critiques, m'a profondément ennuyé ? Pourquoi ai-je été si agacé voire exaspéré par "Donkey Kong Country Returns" alors que j'admire "Donkey Kong Country : Tropical Freeze" au point de penser qu'il s'agit d'un des meilleurs jeux de plateformes de tous les temps ?
Le diable est dans les détails, et en remontant depuis ces résultats bien distincts jusqu'à leurs sources précises, on découvre par application de la méthode scientifique quelles causes ont quels effets : "tout est identique entre ces deux œuvres à l'exception de telle caractéristique, c'est donc telle caractéristique qui est responsable des énormes différences que l'on peut constater au final". C'est imparable et c'est simple comme bonjour, et donc, hourra pour les suites, plagiats, remakes, hommages, etc. !
Une série se prête formidablement à ce jeu-là, celle de "Pullblox", "Fallblox" et "Fullblox" ("Pushmo", "Crashmo" et "Stretchmo" aux États-Unis), tous sortis sur l'eShop Nintendo 3DS en l'espace de quatre ans. Ici, il ne s'agit pas réellement de qualité : à l'instar de "Pac-Man CE" et "Pac-Man CE DX", tous ces jeux sont excellents, mais même si au premier regard il est dur de les différencier, ils divergent largement en logique ludique, en rythme, en difficulté, etc. Il convient d'ailleurs de distinguer "Pullblox" et "Fallblox" d'un côté, qui sont sortis à un an d'intervalle et ne sont même pas à ranger dans la même catégorie de jeux de puzzles, et "Fullblox" de l'autre, qui est sorti trois ans plus tard et réalise en quelque sorte une périlleuse mais sublime synthèse de ses prédécesseurs...
samedi 15 août 2015
Art Style - CODE (DSiWare) Nintendo/skip Ltd.
La Game Boy Advance n'a pas la réputation d'une console propice aux jeux artistiques ou expérimentaux comme la PSP de Sony par exemple ; la console de Nintendo a plutôt laissé l'image d'une "SNES portable" généreuse en jeux légers et colorés idéalement adaptés aux enfants et aux adolescents, image que cultivait plus globalement Nintendo en privilégiant des univers familiaux et des mécaniques de gameplay traditionnelles.
Pourtant, en juillet 2006, alors que la GBA était en fin de cycle avec une Nintendo DS déjà populaire depuis plus d'un an, Nintendo sortit au Japon sept jeux d'une nouvelle mini-série baptisée "bit Generations", dont l'idée était de revenir aux bases du jeu vidéo (avant même la NES) afin d'innover de façon surprenante, le tout dans des ambiances abstraites à l'esthétique très travaillée mais dépouillée, bien loin des Mario, Kirby, Link ou Samus Aran. Parmi ces jeux, il y avait notamment une variante de "Pong", un jeu de course s'inspirant de "Tron", et même un jeu jouable sans écran, "Soundvoyager", qui exploitait le son stéréo de la GBA et qu'un aveugle aurait donc pu jouer !
Cette mini-série, même si elle allait directement inspirer l'hexalogie des "Bit. Trip" (du propre aveux d'Alex Neuse, le fondateur de Gaijin Games), n'est hélas jamais sortie du Japon et est restée confidentielle ; mais Nintendo a profité de l'installation de magasins dématérialisés sur Nintendo Wii puis Nintendo DSi en 2008 pour prolonger et amplifier ce coup d'essai, sans doute à destination du public plus âgé séduit par le touch screen de la Nintendo DS et par l'épure de la Wiimote. Ce nouveau label renommé "Art Style" reprenait la même ligne générale voire les mêmes jeux déjà sortis sur GBA, mais sous une forme plus poussée et plus ambitieuse, s'inscrivant dans un mouvement plus large que l'on retrouverait sur PSP comme déjà évoqué ("Echochrome" par exemple) mais aussi sur smartphone, et surtout dans le jeu indépendant.
Comme les jeux "bit Generations", le développement de la gamme "Art Style" était assuré par skip Ltd. (auteur de "Chibi-Robo!" sorti sur GameCube en 2006 en Europe) et par Q-Games pour un titre. Couvrant des styles de gameplay très différents, ces jeux étaient unis par leur pureté ludique et visuelle et leur ambiance sonore interactive voire hypnotique, et présentaient pour la plupart une certaine excentricité. En tout, cinq jeux sortirent sur WiiWare et sept sur DSiWare entre 2008 et 2010, tous intéressants sur le fond ou la forme, pour une réception publique et critique plutôt positive.
Parmi ces jeux, certains me semblent particulièrement marquants, dont "Art Style : CODE" de skip Ltd. sur Nintendo DSi.
Pourtant, en juillet 2006, alors que la GBA était en fin de cycle avec une Nintendo DS déjà populaire depuis plus d'un an, Nintendo sortit au Japon sept jeux d'une nouvelle mini-série baptisée "bit Generations", dont l'idée était de revenir aux bases du jeu vidéo (avant même la NES) afin d'innover de façon surprenante, le tout dans des ambiances abstraites à l'esthétique très travaillée mais dépouillée, bien loin des Mario, Kirby, Link ou Samus Aran. Parmi ces jeux, il y avait notamment une variante de "Pong", un jeu de course s'inspirant de "Tron", et même un jeu jouable sans écran, "Soundvoyager", qui exploitait le son stéréo de la GBA et qu'un aveugle aurait donc pu jouer !
Cette mini-série, même si elle allait directement inspirer l'hexalogie des "Bit. Trip" (du propre aveux d'Alex Neuse, le fondateur de Gaijin Games), n'est hélas jamais sortie du Japon et est restée confidentielle ; mais Nintendo a profité de l'installation de magasins dématérialisés sur Nintendo Wii puis Nintendo DSi en 2008 pour prolonger et amplifier ce coup d'essai, sans doute à destination du public plus âgé séduit par le touch screen de la Nintendo DS et par l'épure de la Wiimote. Ce nouveau label renommé "Art Style" reprenait la même ligne générale voire les mêmes jeux déjà sortis sur GBA, mais sous une forme plus poussée et plus ambitieuse, s'inscrivant dans un mouvement plus large que l'on retrouverait sur PSP comme déjà évoqué ("Echochrome" par exemple) mais aussi sur smartphone, et surtout dans le jeu indépendant.
Comme les jeux "bit Generations", le développement de la gamme "Art Style" était assuré par skip Ltd. (auteur de "Chibi-Robo!" sorti sur GameCube en 2006 en Europe) et par Q-Games pour un titre. Couvrant des styles de gameplay très différents, ces jeux étaient unis par leur pureté ludique et visuelle et leur ambiance sonore interactive voire hypnotique, et présentaient pour la plupart une certaine excentricité. En tout, cinq jeux sortirent sur WiiWare et sept sur DSiWare entre 2008 et 2010, tous intéressants sur le fond ou la forme, pour une réception publique et critique plutôt positive.
Parmi ces jeux, certains me semblent particulièrement marquants, dont "Art Style : CODE" de skip Ltd. sur Nintendo DSi.
mardi 9 septembre 2014
Luigi's Mansion 2 (3DS) Nintendo/Next Level Games
"Epic Mickey" sur Wii, sans être un naufrage, n'était pas un bon jeu, ses bonnes intentions étaient de loin ses meilleures qualités ; mais en ce qui me concerne il aura atteint le véritable objectif que Warren Spector lui avait fixé : il m'aura intéressé aux origines de Mickey Mouse, jusqu'à me faire acheter la collection complète de ses courts métrages en noir et blanc (deux coffrets DVD).
On a beaucoup critiqué le moralisme des dessins animés de Disney du temps où Walt Disney lui-même dirigeait l'entreprise, mais j'argumenterais plutôt l'inverse : il me semble que cette époque était justement celle où l'animation était la plus pure, Walt Disney aimant d'abord l'animation pour elle-même, avec le rêve qu'elle soit un jour considérée comme une forme artistique à part entière, indépendamment de tout propos. C'est d'ailleurs ce qui a motivé l'insolent projet de "Fantasia" : en rapprochant l'animation d'une forme artistique reconnue, à savoir la musique classique, Walt Disney pensait assez naïvement que le dessin animé serait lui aussi reconnu comme un art. Cela ne s'est alors pas produit et "Fantasia" lui a fait perdre énormément d'argent, mais ce film est un des exemples les plus parfaits d'animation pure - pour moi une référence et un chef-d'œuvre.
À l'inverse, les films d'animation modernes sont devenus d'un moralisme envahissant, l'art de l'animation y étant de plus en plus anecdotique au bénéfice d'un "message" péniblement explicite - même une série comme "L'Âge de Glace", une des rares à rester focalisée sur son sens du gag et la puissance évocatrice de son travail graphique, se sent ainsi obligée de deviser lourdement sur l'amitié, la famille, la maturité, etc.
Dans ce contexte, revoir les toutes premières aventures de Mickey a été une bouffée d'air frais : ici, l'animation n'est pas un moyen de raconter une histoire, c'est l'histoire qui est un moyen pour l'animation, servant de simple trame de fond voire de prétexte pour exprimer son art de façon abstraite et spontanée. On ne pourrait pas vraiment "résumer" ces dessins animés pour quelqu'un ne les ayant pas vus, pas plus qu'on ne peut résumer le balancement des arbres au gré du vent ou un tableau de Kandinsky : l'émotion exprimée va bien au-delà du slogan ou du tract, elle est insaisissable et à contempler en personne.
Tout est dans la réinterprétation artistique des mouvements (l'eau d'un ruisseau, un nuage de poussière qui se disperse, une porte qui claque, une attitude animale), dans les mimiques et les maniérismes, et dans une créativité et une expressivité exubérantes : comme à cette époque l'animation et les fonds devaient être dessinés à la main lors d'un processus lent, image par image, chaque dessin dégage énormément de personnalité, l'animation est très dense, surtout à comparer d'un mouvement interpolé assisté par ordinateur ; et surtout, en tant que pionniers, les artistes se sentaient libres de tout oser et tout inventer, capables d'improvisations folles qui aujourd'hui nous sidèrent.
Il y a quelque chose de granuleux, d'imparfait, et donc de très humain dans ces films, qui se retrouve aussi dans la personnalité de Mickey. Loin du bourgeois ennuyeux et sans aspérité qu'il est devenu après "Fantasia", il peut ici être hargneux, lâche, maladroit, goujat, mesquin voire voleur, mais il est toujours sympathique, s'efforçant de faire ce qu'il faut avec courage malgré ses instants de faiblesse, à l'instar de Charlot ou de Guignol. Il partage d'ailleurs avec ces derniers sa nature populaire : on le voit souvent sans le sou ou multipliant les petits boulots, et un court métrage le montre même en prison sans préciser comment il est arrivé là.
Pendant tout mon temps de jeu sur "Luigi's Mansion 2" sur Nintendo 3DS, ces pépites historiques me revenaient constamment en mémoire, du fait des références presque explicites du jeu à ces petits chefs-d’œuvre, mais surtout parce qu'on y retrouve la plupart des mêmes qualités. Il faut bien sûr remercier Nintendo pour cela, mais aussi et surtout Next Level Games.
On a beaucoup critiqué le moralisme des dessins animés de Disney du temps où Walt Disney lui-même dirigeait l'entreprise, mais j'argumenterais plutôt l'inverse : il me semble que cette époque était justement celle où l'animation était la plus pure, Walt Disney aimant d'abord l'animation pour elle-même, avec le rêve qu'elle soit un jour considérée comme une forme artistique à part entière, indépendamment de tout propos. C'est d'ailleurs ce qui a motivé l'insolent projet de "Fantasia" : en rapprochant l'animation d'une forme artistique reconnue, à savoir la musique classique, Walt Disney pensait assez naïvement que le dessin animé serait lui aussi reconnu comme un art. Cela ne s'est alors pas produit et "Fantasia" lui a fait perdre énormément d'argent, mais ce film est un des exemples les plus parfaits d'animation pure - pour moi une référence et un chef-d'œuvre.
À l'inverse, les films d'animation modernes sont devenus d'un moralisme envahissant, l'art de l'animation y étant de plus en plus anecdotique au bénéfice d'un "message" péniblement explicite - même une série comme "L'Âge de Glace", une des rares à rester focalisée sur son sens du gag et la puissance évocatrice de son travail graphique, se sent ainsi obligée de deviser lourdement sur l'amitié, la famille, la maturité, etc.
Dans ce contexte, revoir les toutes premières aventures de Mickey a été une bouffée d'air frais : ici, l'animation n'est pas un moyen de raconter une histoire, c'est l'histoire qui est un moyen pour l'animation, servant de simple trame de fond voire de prétexte pour exprimer son art de façon abstraite et spontanée. On ne pourrait pas vraiment "résumer" ces dessins animés pour quelqu'un ne les ayant pas vus, pas plus qu'on ne peut résumer le balancement des arbres au gré du vent ou un tableau de Kandinsky : l'émotion exprimée va bien au-delà du slogan ou du tract, elle est insaisissable et à contempler en personne.
Tout est dans la réinterprétation artistique des mouvements (l'eau d'un ruisseau, un nuage de poussière qui se disperse, une porte qui claque, une attitude animale), dans les mimiques et les maniérismes, et dans une créativité et une expressivité exubérantes : comme à cette époque l'animation et les fonds devaient être dessinés à la main lors d'un processus lent, image par image, chaque dessin dégage énormément de personnalité, l'animation est très dense, surtout à comparer d'un mouvement interpolé assisté par ordinateur ; et surtout, en tant que pionniers, les artistes se sentaient libres de tout oser et tout inventer, capables d'improvisations folles qui aujourd'hui nous sidèrent.
Il y a quelque chose de granuleux, d'imparfait, et donc de très humain dans ces films, qui se retrouve aussi dans la personnalité de Mickey. Loin du bourgeois ennuyeux et sans aspérité qu'il est devenu après "Fantasia", il peut ici être hargneux, lâche, maladroit, goujat, mesquin voire voleur, mais il est toujours sympathique, s'efforçant de faire ce qu'il faut avec courage malgré ses instants de faiblesse, à l'instar de Charlot ou de Guignol. Il partage d'ailleurs avec ces derniers sa nature populaire : on le voit souvent sans le sou ou multipliant les petits boulots, et un court métrage le montre même en prison sans préciser comment il est arrivé là.
Pendant tout mon temps de jeu sur "Luigi's Mansion 2" sur Nintendo 3DS, ces pépites historiques me revenaient constamment en mémoire, du fait des références presque explicites du jeu à ces petits chefs-d’œuvre, mais surtout parce qu'on y retrouve la plupart des mêmes qualités. Il faut bien sûr remercier Nintendo pour cela, mais aussi et surtout Next Level Games.
mercredi 30 mars 2011
Art Style - INTERSECT (DSiWare) Nintendo/Q-Games
La Game Boy Advance n'a pas la réputation d'une console propice aux jeux artistiques ou expérimentaux comme la PSP de Sony par exemple ; la console de Nintendo a plutôt laissé l'image d'une "SNES portable" généreuse en jeux légers et colorés idéalement adaptés aux enfants et aux adolescents, image que cultivait plus globalement Nintendo en privilégiant des univers familiaux et des mécaniques de gameplay traditionnelles.
Pourtant, en juillet 2006, alors que la GBA était en fin de cycle avec une Nintendo DS déjà populaire depuis plus d'un an, Nintendo sortit au Japon sept jeux d'une nouvelle mini-série baptisée "bit Generations", dont l'idée était de revenir aux bases du jeu vidéo (avant même la NES) afin d'innover de façon surprenante, le tout dans des ambiances abstraites à l'esthétique très travaillée mais dépouillée, bien loin des Mario, Kirby, Link ou Samus Aran. Parmi ces jeux, il y avait notamment une variante de "Pong", un jeu de course s'inspirant de "Tron", et même un jeu jouable sans écran, "Soundvoyager", qui exploitait le son stéréo de la GBA et qu'un aveugle aurait donc pu jouer !
Cette mini-série, même si elle allait directement inspirer l'hexalogie des "Bit. Trip" (du propre aveux d'Alex Neuse, le fondateur de Gaijin Games), n'est hélas jamais sortie du Japon et est restée confidentielle ; mais Nintendo a profité de l'installation de magasins dématérialisés sur Nintendo Wii puis Nintendo DSi en 2008 pour prolonger et amplifier ce coup d'essai, sans doute à destination du public plus âgé séduit par le touch screen de la Nintendo DS et par l'épure de la Wiimote. Ce nouveau label renommé "Art Style" reprenait la même ligne générale voire les mêmes jeux déjà sortis sur GBA, mais sous une forme plus poussée et plus ambitieuse, s'inscrivant dans un mouvement plus large que l'on retrouverait sur PSP comme déjà évoqué ("Echochrome" par exemple) mais aussi sur smartphone, et surtout dans le jeu indépendant.
Comme les jeux "bit Generations", le développement de la gamme "Art Style" était assuré par skip Ltd. (auteur de "Chibi-Robo!" sorti sur GameCube en 2006 en Europe) et par Q-Games pour un titre. Couvrant des styles de gameplay très différents, ces jeux étaient unis par leur pureté ludique et visuelle et leur ambiance sonore interactive voire hypnotique, et présentaient pour la plupart une certaine excentricité. En tout, cinq jeux sortirent sur WiiWare et sept sur DSiWare entre 2008 et 2010, tous intéressants sur le fond ou la forme, pour une réception publique et critique plutôt positive.
Parmi ces jeux, certains me semblent particulièrement marquants, dont "Art Style : INTERSECT" de Q-Games sur Nintendo DSi.
Pourtant, en juillet 2006, alors que la GBA était en fin de cycle avec une Nintendo DS déjà populaire depuis plus d'un an, Nintendo sortit au Japon sept jeux d'une nouvelle mini-série baptisée "bit Generations", dont l'idée était de revenir aux bases du jeu vidéo (avant même la NES) afin d'innover de façon surprenante, le tout dans des ambiances abstraites à l'esthétique très travaillée mais dépouillée, bien loin des Mario, Kirby, Link ou Samus Aran. Parmi ces jeux, il y avait notamment une variante de "Pong", un jeu de course s'inspirant de "Tron", et même un jeu jouable sans écran, "Soundvoyager", qui exploitait le son stéréo de la GBA et qu'un aveugle aurait donc pu jouer !
Cette mini-série, même si elle allait directement inspirer l'hexalogie des "Bit. Trip" (du propre aveux d'Alex Neuse, le fondateur de Gaijin Games), n'est hélas jamais sortie du Japon et est restée confidentielle ; mais Nintendo a profité de l'installation de magasins dématérialisés sur Nintendo Wii puis Nintendo DSi en 2008 pour prolonger et amplifier ce coup d'essai, sans doute à destination du public plus âgé séduit par le touch screen de la Nintendo DS et par l'épure de la Wiimote. Ce nouveau label renommé "Art Style" reprenait la même ligne générale voire les mêmes jeux déjà sortis sur GBA, mais sous une forme plus poussée et plus ambitieuse, s'inscrivant dans un mouvement plus large que l'on retrouverait sur PSP comme déjà évoqué ("Echochrome" par exemple) mais aussi sur smartphone, et surtout dans le jeu indépendant.
Comme les jeux "bit Generations", le développement de la gamme "Art Style" était assuré par skip Ltd. (auteur de "Chibi-Robo!" sorti sur GameCube en 2006 en Europe) et par Q-Games pour un titre. Couvrant des styles de gameplay très différents, ces jeux étaient unis par leur pureté ludique et visuelle et leur ambiance sonore interactive voire hypnotique, et présentaient pour la plupart une certaine excentricité. En tout, cinq jeux sortirent sur WiiWare et sept sur DSiWare entre 2008 et 2010, tous intéressants sur le fond ou la forme, pour une réception publique et critique plutôt positive.
Parmi ces jeux, certains me semblent particulièrement marquants, dont "Art Style : INTERSECT" de Q-Games sur Nintendo DSi.