Que faire après le succès surprise d'un nouveau jeu vidéo ?
Pour les grandes maisons d'édition, la question ne se pose pas : il faut naturellement en produire aussitôt une suite qui corrige les éventuels défauts de l'original tels que signalés par la presse et par les joueurs, et qui promette "plus" - plus grand, plus beau, plus fort, plus spectaculaire, plus riche, plus complexe, etc. pour "surfer" sur l'engouement du moment.
Quelquefois, cependant, l'empressement et le systématisme de la production d'une suite se font au détriment du concept d'origine : on se précipite sans recul et parfois sans véritable idée ou envie, et on étouffe un principe qui aurait pu être prometteur si on l'avait laissé respirer - "Dead Space" est une bonne illustration de cette stratégie toxique consistant à presser un phénomène comme un citron afin d'en vider tout le jus, et au bout du compte n'en laisser qu'une enveloppe vide alors jetée à la poubelle (puis récupérée brièvement pour un remake 15 ans plus tard).
La formule de la suite à marche forcée peut ceci dit produire de très bons jeux : Retro Studios se sentait à la fois épuisé et à court d'inspiration entre les épisodes de la trilogie des "Metroid Prime" sortis avec moins de trois ans d'écart, et pourtant, leur qualité et leur créativité sont restées constantes. De même, Keita Takahashi, créateur de "Katamari Damacy", ne souhaitait pas réaliser de suite à son jeu, mais Namco l'y a poussé et "We ♥ Katamari" est généralement considéré comme le meilleur de la série.
La situation change cependant de paradigme lorsque le jeu est l'œuvre de développeurs indépendants : pour une petite structure voire un unique développeur principal, le rapport à la paternité, à la motivation et à l'inspiration est bien plus intime ; ainsi, même si un succès indépendant peut lui aussi être suivi de divers spin-off et autres DLC ("Shovel Knight"), les véritables suites sont plus espacées et moins formatées - "Axiom Verge 2" a par exemple beaucoup surpris en tranchant fortement d'avec son prédécesseur, et Edmund McMillen a préféré créer "The End is Nigh" plutôt qu'une suite à "Super Meat Boy".
S'il a vendu moins de copies que le dernier épisode de "Super Mario Bros.", "Donut Dodo" de pixel.games, sorti en juin 2022 sur Steam puis (surtout) en décembre 2022 sur Nintendo Switch, a tout de même connu un petit succès : il a été jugé comme un des meilleurs (voire le meilleur) revivals de jeu de plateformes des salles d'arcade des années 1980, et s'est suffisamment bien vendu pour justifier la sortie de copies physiques sur Switch en plus de sa publication dématérialisée sur eShop.
Ce bon accueil a bien sûr beaucoup compté pour l'auteur du jeu, Sebastian Kostka, dont les racines vidéoludiques remontent aux années référencées par "Donut Dodo" : celui-ci avait programmé son tout premier jeu (un casse-brique) en 1982 sur ZX Spectrum grâce à un listing de magazine qu'il recopiait chaque fois qu'il voulait y jouer, puis il est devenu un développeur professionnel ayant notamment travaillé sur "Rayman 2" et "Tonic Trouble" (Ubisoft), et au bout du compte a profité de l'essor du jeu indépendant pour renouer avec ses premières amours, l'expérience 8-bit typée "arcade" !
Dans une démarche similaire à celle adoptée par Edmund McMillen pour "The End is Nigh", notre concepteur a cependant pris la réception positive de "Donut Dodo" pour la validation de sa vision générale plutôt que celle d'un jeu vidéo en particulier, et a donc suivi avec un nouveau jeu dans le même esprit "hommage à 1983" plutôt qu'avec une suite classique : "Cash Cow DX", sorti sur Steam en février 2024 puis sur Nintendo Switch sept mois plus tard, était né...
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jeudi 7 novembre 2024
vendredi 22 mars 2024
Thrill Penguin (Steam) Sylph
Depuis l'incroyable succès de "Super Meat Boy" en 2010, le genre du hardcore platformer (aussi appelé precision platformer, et le jeu "hardcore" en général comme "Hotline Miami" ou "Flywrench") s'est spectaculairement popularisé, devenant un genre majeur avec de nombreuses variantes et beaucoup de titres connus ou reconnus : "Bit. Trip Runner", "VVVVVV", "Dustforce DX", "N++", "1001 Spikes", "The End Is Nigh", "Celeste", "Remnants of Naezith", etc.
En plus de ces succès plus ou moins populaires, tout un écosystème de productions plus humbles a lui aussi fleuri au sein du jeu indépendant, depuis de simples "ROM hacks" sadiques de "Super Mario Bros." ou "Super Mario World" jusqu'à une myriade de "petits jeux" neufs et payants mais moins chers, plus dépouillés et moins remarqués que les titres précédemment cités ; dont par exemple "Quickly, Quackley!" qui reprend le style graphique du ZX Spectrum, ou "INK" qui propose le surprenant gimmick d'avoir des plateformes invisibles (le comble de l'épure graphique) matérialisées en y projetant de l'encre lors de nos doubles sauts - l'un comme l'autre jeu est court et coûte moins de 5€ sur Steam, pour une expérience néanmoins excellente...
Gimmick ou pas gimmick, le principe reste toujours le même : des niveaux très brefs sélectionnables directement depuis un menu après avoir été débloqués, des morts quasi instantanées à la moindre erreur, un level design de jeu de plateformes très dur, mais une boucle d'essais resserrée grâce à des vies infinies et un délai réduit entre deux tentatives - ainsi, l'action et l'excitation restent constantes, sans frustrer ni décourager le joueur malgré ses échecs répétés.
"Thrill Penguin" est un "petit jeu" : il offre une aventure reprenant le minimalisme du tout premier "Super Mario Bros.", avec des niveaux linéaires très géométriques et lisibles, pas d'histoire ni de fioritures graphiques superflues (gagner le jeu, même avec des performances optimales partout, est récompensé par un unique écran de félicitation), et un gameplay à deux boutons à priori très simple - on peut aller à gauche ou à droite seulement, avec un bouton pour sauter et un bouton d'action, et on devra rejoindre un point d'arrivée de préférence le plus vite possible afin d'obtenir une médaille d'or dans chacun des 60 parcours d'obstacles du jeu, répartis dans six mondes distincts.
Pour bien installer l'idée qu'on ne doit pas lambiner, le scrolling défile automatiquement à la "Super Mario Bros. 3" si l'on est trop lent, mais il suit sinon notre héros, un petit pingouin violet à l'air très déterminé. Le scrolling est parfois horizontal, parfois vertical et parfois diagonal, mais il va toujours dans la même direction au sein d'un même niveau, sans aucune exploration et sans l'option de revenir en arrière. Pour grimper, on a notamment la possibilité de prendre appui sur un mur pour sauter sur le mur opposé comme dans "New Super Mario Bros.", sans saut mono-mural à la "Super Meat Boy". Le dixième et dernier niveau de chaque monde est un combat de boss pastichant ceux contre Bowser dans "Super Mario Bros.", avec des boules de feu venant horizontalement vers nous et un gros ennemi (le seul du jeu) sous lequel on doit se glisser lorsqu'il saute - son poids brisera alors un pont en atterrissant puis il tombera dans le vide. Avec ou sans boss, chaque niveau peut être battu en moins d'une minute.
Rien de tout cela ne semble extraordinaire sur le papier, et pourtant, "Thrill Penguin" est devenu un de mes hardcore platformers favoris, un de ceux auxquels j'ai pris le plus de plaisir à jouer, et où battre les limites de temps aura été pour moi le plus jouissif.
En plus de ces succès plus ou moins populaires, tout un écosystème de productions plus humbles a lui aussi fleuri au sein du jeu indépendant, depuis de simples "ROM hacks" sadiques de "Super Mario Bros." ou "Super Mario World" jusqu'à une myriade de "petits jeux" neufs et payants mais moins chers, plus dépouillés et moins remarqués que les titres précédemment cités ; dont par exemple "Quickly, Quackley!" qui reprend le style graphique du ZX Spectrum, ou "INK" qui propose le surprenant gimmick d'avoir des plateformes invisibles (le comble de l'épure graphique) matérialisées en y projetant de l'encre lors de nos doubles sauts - l'un comme l'autre jeu est court et coûte moins de 5€ sur Steam, pour une expérience néanmoins excellente...
Gimmick ou pas gimmick, le principe reste toujours le même : des niveaux très brefs sélectionnables directement depuis un menu après avoir été débloqués, des morts quasi instantanées à la moindre erreur, un level design de jeu de plateformes très dur, mais une boucle d'essais resserrée grâce à des vies infinies et un délai réduit entre deux tentatives - ainsi, l'action et l'excitation restent constantes, sans frustrer ni décourager le joueur malgré ses échecs répétés.
"Thrill Penguin" est un "petit jeu" : il offre une aventure reprenant le minimalisme du tout premier "Super Mario Bros.", avec des niveaux linéaires très géométriques et lisibles, pas d'histoire ni de fioritures graphiques superflues (gagner le jeu, même avec des performances optimales partout, est récompensé par un unique écran de félicitation), et un gameplay à deux boutons à priori très simple - on peut aller à gauche ou à droite seulement, avec un bouton pour sauter et un bouton d'action, et on devra rejoindre un point d'arrivée de préférence le plus vite possible afin d'obtenir une médaille d'or dans chacun des 60 parcours d'obstacles du jeu, répartis dans six mondes distincts.
Pour bien installer l'idée qu'on ne doit pas lambiner, le scrolling défile automatiquement à la "Super Mario Bros. 3" si l'on est trop lent, mais il suit sinon notre héros, un petit pingouin violet à l'air très déterminé. Le scrolling est parfois horizontal, parfois vertical et parfois diagonal, mais il va toujours dans la même direction au sein d'un même niveau, sans aucune exploration et sans l'option de revenir en arrière. Pour grimper, on a notamment la possibilité de prendre appui sur un mur pour sauter sur le mur opposé comme dans "New Super Mario Bros.", sans saut mono-mural à la "Super Meat Boy". Le dixième et dernier niveau de chaque monde est un combat de boss pastichant ceux contre Bowser dans "Super Mario Bros.", avec des boules de feu venant horizontalement vers nous et un gros ennemi (le seul du jeu) sous lequel on doit se glisser lorsqu'il saute - son poids brisera alors un pont en atterrissant puis il tombera dans le vide. Avec ou sans boss, chaque niveau peut être battu en moins d'une minute.
Rien de tout cela ne semble extraordinaire sur le papier, et pourtant, "Thrill Penguin" est devenu un de mes hardcore platformers favoris, un de ceux auxquels j'ai pris le plus de plaisir à jouer, et où battre les limites de temps aura été pour moi le plus jouissif.
samedi 4 mars 2023
satryn deluxe (Steam, itch.io) maybell
Certains jeux sont difficiles à introduire correctement, exigeant pour leur rendre pleinement justice de rappeler un certain contexte, retracer un certain historique, détailler certaines affiliations, expliciter une certaine vision, etc. ; mais d'autres sont en revanche très simples : dans le cas de "satryn deluxe", il s'agit tout bonnement d'un clone de "Robotron : 2084" comme il y en a eu beaucoup depuis 1982, mais ce jeu indépendant sorti près de quarante ans (!) plus tard se distingue en restant très fidèle à la borne originale, avec des bases et des sensations gardées intactes, tout en offrant cependant un rythme, une variété, un confort, etc. plaisamment modernisés, au point où l'on peut y avoir l'impression de jouer à "Robotron : 2084" en mieux - ce qui n'est tout de même pas rien !
Ainsi, "satryn deluxe" est un twin stick shooter où notre héros peut bouger et tirer indépendamment dans huit directions (et rien de plus, il n'y a pas dans ses contrôles de bombe ou d'esquive ou de tir secondaire ou quoi que ce soit) alors qu'il traverse une suite apparemment infinie d'arènes rectangulaires identiques tenant en entier à l'écran, où l'objectif est de sauver de petits personnages face à un assortiment bigarré d'ennemis qu'il faudra entièrement exterminer pour passer à l'arène suivante.
Comme on l'a dit, il n'y a pas de level design propre aux arènes en dehors de mines clignotantes dispersées ici et là, les différentes combinaisons adverses sont donc l'élément principal distinguant chaque niveau. Les types ennemis ont tous de fortes particularités (comportement, endurance, dangerosité, etc.) et leurs effectifs et leur nature changent donc le problème posé : où viser en premier, faut-il d'abord sauver les petits personnages alliés ou attaquer les adversaires, comment bien se positionner et esquiver la horde et ses projectiles - tout cela constitue un gameplay assez riche grâce à la combinatoire, même si la base ludique reste simple et si le nombre de types ennemis distincts est plutôt modeste (huit dans "Robotron : 2084" et le double dans "satryn deluxe").
Dans les deux cas, il s'agit d'un jeu à scores, on dispose de trois vies (on peut en gagner en cours de route) sans barre d'énergie, avec des parties relativement courtes, la motivation étant de sans cesse améliorer ses performances. Sur un plan artistique, l'un comme l'autre jeu n'a pas de musique mais présente des effets sonores typiquement "arcade" à la fois utiles et excitants, et leurs graphismes sont très vifs, avec quelques effets psychédéliques renforçant les sensations de surcharge procurées par le gameplay.
Ça fait beaucoup de points communs, ce qui est loin d'être une mauvaise chose puisque "Robotron : 2084" n'est pas un classique simplement pour son aspect historique, il est avant tout resté un jeu extrêmement amusant... néanmoins inféodé à son contexte !
Ainsi, "satryn deluxe" est un twin stick shooter où notre héros peut bouger et tirer indépendamment dans huit directions (et rien de plus, il n'y a pas dans ses contrôles de bombe ou d'esquive ou de tir secondaire ou quoi que ce soit) alors qu'il traverse une suite apparemment infinie d'arènes rectangulaires identiques tenant en entier à l'écran, où l'objectif est de sauver de petits personnages face à un assortiment bigarré d'ennemis qu'il faudra entièrement exterminer pour passer à l'arène suivante.
Comme on l'a dit, il n'y a pas de level design propre aux arènes en dehors de mines clignotantes dispersées ici et là, les différentes combinaisons adverses sont donc l'élément principal distinguant chaque niveau. Les types ennemis ont tous de fortes particularités (comportement, endurance, dangerosité, etc.) et leurs effectifs et leur nature changent donc le problème posé : où viser en premier, faut-il d'abord sauver les petits personnages alliés ou attaquer les adversaires, comment bien se positionner et esquiver la horde et ses projectiles - tout cela constitue un gameplay assez riche grâce à la combinatoire, même si la base ludique reste simple et si le nombre de types ennemis distincts est plutôt modeste (huit dans "Robotron : 2084" et le double dans "satryn deluxe").
Dans les deux cas, il s'agit d'un jeu à scores, on dispose de trois vies (on peut en gagner en cours de route) sans barre d'énergie, avec des parties relativement courtes, la motivation étant de sans cesse améliorer ses performances. Sur un plan artistique, l'un comme l'autre jeu n'a pas de musique mais présente des effets sonores typiquement "arcade" à la fois utiles et excitants, et leurs graphismes sont très vifs, avec quelques effets psychédéliques renforçant les sensations de surcharge procurées par le gameplay.
Ça fait beaucoup de points communs, ce qui est loin d'être une mauvaise chose puisque "Robotron : 2084" n'est pas un classique simplement pour son aspect historique, il est avant tout resté un jeu extrêmement amusant... néanmoins inféodé à son contexte !
Sujets :
itch.io,
Jeux à scores,
Jeux de tir,
Old school,
Steam
dimanche 29 janvier 2023
Antecrypt (Steam, itch.io) PUNKCAKE Délicieux
"Antecrypt" est un jeu exemplaire, qui représente bien sa petite compagnie PUNKCAKE Délicieux et le mouvement néo-rétro en général. Composée de Benjamin Soulé (co-fondateur de Motion Twin) et Rémy Devaux (sorti prématurément d'école de jeu vidéo), deux Français habitant en Aquitaine près de Bordeaux, avec à l'occasion la participation du compositeur espagnol Pentadrangle, la compagnie a en fait commencé avec "Antecrypt" qui est son tout premier jeu, sorti le 10 juin 2021 sur le magasin itch.io puis porté sur Steam deux ans plus tard.
Avant cela, le duo avait beaucoup programmé chacun de son côté sur PICO-8, une console virtuelle en basse résolution n'existant qu'en émulation et très prisée par les développeurs indépendants. Comme un certain nombre d'autres jeux PUNKCAKE Délicieux, "Antecrypt" est d'ailleurs une relecture d'un jeu PICO-8 d'un de leurs auteurs, "Mr. Beam" de Benjamin Soulé publié en mai 2015 et conçu lors d'une "game jam" (concours de programmation rapide) - créer un jeu complet à partir d'un prototype de "game jam" est plutôt habituel pour la compagnie.
PUNKCAKE Délicieux repose sur trois piliers : le moteur de jeu "SUGAR" développé par Rémy Devaux depuis 2018 ; un modèle économique original proposant un abonnement où chaque nouveau jeu coûte 3€ (deux fois moins que leur prix individuel) ; et une philosophie de game design qui matérialise exactement l'esprit de la vague rétro de 2010 tel que je l'avais compris et défini dans l'article sur le sujet publié ici en février 2020...
Avant cela, le duo avait beaucoup programmé chacun de son côté sur PICO-8, une console virtuelle en basse résolution n'existant qu'en émulation et très prisée par les développeurs indépendants. Comme un certain nombre d'autres jeux PUNKCAKE Délicieux, "Antecrypt" est d'ailleurs une relecture d'un jeu PICO-8 d'un de leurs auteurs, "Mr. Beam" de Benjamin Soulé publié en mai 2015 et conçu lors d'une "game jam" (concours de programmation rapide) - créer un jeu complet à partir d'un prototype de "game jam" est plutôt habituel pour la compagnie.
PUNKCAKE Délicieux repose sur trois piliers : le moteur de jeu "SUGAR" développé par Rémy Devaux depuis 2018 ; un modèle économique original proposant un abonnement où chaque nouveau jeu coûte 3€ (deux fois moins que leur prix individuel) ; et une philosophie de game design qui matérialise exactement l'esprit de la vague rétro de 2010 tel que je l'avais compris et défini dans l'article sur le sujet publié ici en février 2020...
dimanche 27 novembre 2022
Vampire Vengeance (ZX Spectrum) Ariel Endaraues
Le jeu vidéo a toujours été un art immersif : déjà en 1979, "Adventure" parvenait à captiver les joueurs sur Atari 2600 malgré des moyens techniques très sommaires - même si on devait alors puiser copieusement dans son imagination, on attendait déjà du jeu vidéo qu'il nous permette de nous évader en plus de nous amuser : pouvoir visiter de vastes paysages exotiques, être confronté à des créatures étranges, effectuer des actions impossibles dans la vraie vie, et... incarner quelqu'un d'autre !
Comme la littérature ou le cinéma, le jeu vidéo nous projette en effet dans la peau d'un personnage, et il le fait avec une efficacité particulière puisqu'on contrôle ici ledit personnage à l'écran ! Très naturellement, les jeux ont plutôt choisi de nous faire jouer des personnages positifs, des héros archétypiques que les enfants rêvent d'être un jour : de vaillants chevaliers, de courageux soldats, d'impétueux pilotes, d'héroïques pompiers, etc. Ils ont aussi pu nous amuser en nous faisant jouer un chat, une souris, une toupie, une citrouille ou une grenouille.
Assez rapidement, cependant, est arrivée la tentation de nous faire jouer un personnage négatif, et pourquoi pas un monstre. Bien sûr, lorsque le jeu vidéo était un média récent surtout destiné aux enfants, cette tentation a rencontré de fortes réticences : incarner un monstre et effectuer des actions répréhensibles n'allait-il pas influencer négativement la psychologie des joueurs ? Alors que le jeu vidéo s'est démocratisé et banalisé, cependant, ces réticences se sont dissipées, et on a pu incarner librement qui on voulait.
Et tant qu'à jouer un monstre, quoi de mieux qu'un vampire ?
Le vampire est en effet un choix idéal de monstre à incarner : sur le plan immersif, celui-ci bénéficie d'un certain prestige et d'une certaine prestance (bien plus qu'un zombie, par exemple), et il peut se prêter facilement à un cadre ou un ton au choix romantique, horrifique ou tragique. Sur le plan ludique, le vampire est aussi très intéressant : il est endurant mais vulnérable à des choses bien spécifiques, il doit attaquer au contact mais craint certaines armes de lancer (pieux projetés ou jet d'eau bénite), il chasse plutôt à l'affût pour se nourrir mais est lui-même chassé en meute, et bien sûr, il peut se transformer en diverses choses voire même voler ; simplement énumérer ses caractéristiques semble dicter le gameplay d'un jeu à lui tout seul !
Si de nombreux jeux vidéo ont pu mettre en scène un vampire, cependant, peu ont véritablement su transcrire sa nature spécifique en contenu ludique : soit l'aspect immersif du jeu est en-deça, soit son gameplay...
Comme la littérature ou le cinéma, le jeu vidéo nous projette en effet dans la peau d'un personnage, et il le fait avec une efficacité particulière puisqu'on contrôle ici ledit personnage à l'écran ! Très naturellement, les jeux ont plutôt choisi de nous faire jouer des personnages positifs, des héros archétypiques que les enfants rêvent d'être un jour : de vaillants chevaliers, de courageux soldats, d'impétueux pilotes, d'héroïques pompiers, etc. Ils ont aussi pu nous amuser en nous faisant jouer un chat, une souris, une toupie, une citrouille ou une grenouille.
Assez rapidement, cependant, est arrivée la tentation de nous faire jouer un personnage négatif, et pourquoi pas un monstre. Bien sûr, lorsque le jeu vidéo était un média récent surtout destiné aux enfants, cette tentation a rencontré de fortes réticences : incarner un monstre et effectuer des actions répréhensibles n'allait-il pas influencer négativement la psychologie des joueurs ? Alors que le jeu vidéo s'est démocratisé et banalisé, cependant, ces réticences se sont dissipées, et on a pu incarner librement qui on voulait.
Et tant qu'à jouer un monstre, quoi de mieux qu'un vampire ?
Le vampire est en effet un choix idéal de monstre à incarner : sur le plan immersif, celui-ci bénéficie d'un certain prestige et d'une certaine prestance (bien plus qu'un zombie, par exemple), et il peut se prêter facilement à un cadre ou un ton au choix romantique, horrifique ou tragique. Sur le plan ludique, le vampire est aussi très intéressant : il est endurant mais vulnérable à des choses bien spécifiques, il doit attaquer au contact mais craint certaines armes de lancer (pieux projetés ou jet d'eau bénite), il chasse plutôt à l'affût pour se nourrir mais est lui-même chassé en meute, et bien sûr, il peut se transformer en diverses choses voire même voler ; simplement énumérer ses caractéristiques semble dicter le gameplay d'un jeu à lui tout seul !
Si de nombreux jeux vidéo ont pu mettre en scène un vampire, cependant, peu ont véritablement su transcrire sa nature spécifique en contenu ludique : soit l'aspect immersif du jeu est en-deça, soit son gameplay...
Sujets :
itch.io,
Jeux de plateformes,
Old school,
Retrogaming
mercredi 2 novembre 2022
Donut Dodo (Steam) pixel.games
Le triomphe commercial, populaire et critique de "Shovel Knight" en 2014 n'a pas seulement été celui d'un jeu, ça a aussi été celui de toute la révolution rétro qui l'a précédé, et qui a réussi à relégitimer le jeu vidéo en 2D, le gameplay "arcade", les gros pixels, etc. autour de l'année 2010. Mais plus spécifiquement, ce triomphe a aussi voire surtout été celui d'une certaine philosophie...
En effet, si de nombreuses raisons expliquent le succès de "Shovel Knight", l'une d'elle en particulier tient à la vision du jeu rétro propre à Yacht Club Games : "Au lieu d'émuler exactement une NES", a ainsi expliqué David D'Angelo, un des programmeurs du studio, "nous voulions créer l'image idéalisée d'un jeu 8-bit".
Tous les jeux rétro ne partagent pas cette même philosophie, mais celle-ci a parfaitement fonctionné pour "Shovel Knight" et ses variantes ("Plague of Shadows", "Specter of Torment" et "King of Cards", que je trouve tous nettement supérieurs au jeu original). Partant de là, assez naturellement, la réussite de Yacht Club Games a promu son concept "d'image idéalisée", qui aura donc été repris par beaucoup d'autres jeux rétro ultérieurs, parmi lesquels "Donut Dodo" sorti sur Steam (entre autres) en juin 2022.
Au lieu d'évoquer un jeu NES comme "Shovel Knight", "Donut Dodo" veut faire revivre l'expérience des jeux d'arcade à tableaux du début des années 1980 (1983 en particulier) : "Donkey Kong" et sa suite évidemment, "BurgerTime", "Bomb Jack", "Mappy", "Jump Coaster", etc. avec de surcroît quelques allusions à "Pac-Man" et à "Manic Miner". L'illusion est parfaite : les graphismes, l'univers, le ton, les contrôles, le gameplay, etc. nous renvoient tous à l'époque référencée, le jeu zigzaguant entre les hommages sans jamais perdre sa propre personnalité.
Mais lorsqu'on regarde "Donut Dodo" de plus près en le comparant aux classiques (et non aux souvenirs que l'on peut en avoir), on réalise qu'il s'agit bel et bien d'une illusion : le jeu est en réalité beaucoup plus moderne qu'il n'en a l'air, reprenant le meilleur de la période concernée mais profitant aussi de 40 ans d'histoire vidéoludique pour affiner, assouplir, condenser, embellir, dynamiser, etc. l'expérience par rapport à ses modèles, transposant merveilleusement ses valeurs rétro au contexte ludique d'aujourd'hui...
En effet, si de nombreuses raisons expliquent le succès de "Shovel Knight", l'une d'elle en particulier tient à la vision du jeu rétro propre à Yacht Club Games : "Au lieu d'émuler exactement une NES", a ainsi expliqué David D'Angelo, un des programmeurs du studio, "nous voulions créer l'image idéalisée d'un jeu 8-bit".
Tous les jeux rétro ne partagent pas cette même philosophie, mais celle-ci a parfaitement fonctionné pour "Shovel Knight" et ses variantes ("Plague of Shadows", "Specter of Torment" et "King of Cards", que je trouve tous nettement supérieurs au jeu original). Partant de là, assez naturellement, la réussite de Yacht Club Games a promu son concept "d'image idéalisée", qui aura donc été repris par beaucoup d'autres jeux rétro ultérieurs, parmi lesquels "Donut Dodo" sorti sur Steam (entre autres) en juin 2022.
Au lieu d'évoquer un jeu NES comme "Shovel Knight", "Donut Dodo" veut faire revivre l'expérience des jeux d'arcade à tableaux du début des années 1980 (1983 en particulier) : "Donkey Kong" et sa suite évidemment, "BurgerTime", "Bomb Jack", "Mappy", "Jump Coaster", etc. avec de surcroît quelques allusions à "Pac-Man" et à "Manic Miner". L'illusion est parfaite : les graphismes, l'univers, le ton, les contrôles, le gameplay, etc. nous renvoient tous à l'époque référencée, le jeu zigzaguant entre les hommages sans jamais perdre sa propre personnalité.
Mais lorsqu'on regarde "Donut Dodo" de plus près en le comparant aux classiques (et non aux souvenirs que l'on peut en avoir), on réalise qu'il s'agit bel et bien d'une illusion : le jeu est en réalité beaucoup plus moderne qu'il n'en a l'air, reprenant le meilleur de la période concernée mais profitant aussi de 40 ans d'histoire vidéoludique pour affiner, assouplir, condenser, embellir, dynamiser, etc. l'expérience par rapport à ses modèles, transposant merveilleusement ses valeurs rétro au contexte ludique d'aujourd'hui...
Sujets :
Jeux à scores,
Jeux de plateformes,
Old school,
Steam
mercredi 25 mai 2022
Black Widow (arcade) Atari
La compagnie Atari des débuts, la fameuse "Atari Inc." ayant perduré de 1972 à 1984, a naturellement une place toute particulière dans l'histoire du jeu vidéo, certes exagérée par le chauvinisme américain, mais néanmoins incontestable. Ainsi, les jeux Atari de cette période, surtout les jeux d'arcade, sont très souvent perçus comme des piliers fondateurs de l'art vidéoludique : "Breakout", "Pong", "Lunar Lander", "Battle Zone", "Asteroids", "Tempest", "Missile Command", "Centipede", "Gravitar", "Star Wars", etc. ont tous une aura considérable auprès des joueurs, même les plus jeunes.
Pourtant, il y a un jeu Atari de l'âge d'or qui se trouve presque toujours ignoré lorsqu'il s'agit d'évoquer cet héritage, alors qu'il coche toutes les cases qui auraient dû faire de lui un grand classique : il s'agit de "Black Widow". Jugez plutôt :
Il y a une explication qui tient en un mot : "Gravitar". En réalité, "Black Widow" est un kit de conversion de "Gravitar" - ce procédé était alors courant dans la gestion d'une salle d'arcade : au lieu d'acquérir une nouvelle borne, on pouvait acheter à prix réduit de quoi transformer un jeu en un autre. Comme "Gravitar" avait rencontré un accueil décevant, Atari a donc proposé aux gérants de salles d'en faire des bornes "Black Widow" - mêmes les bornes "Black Widow" issues des usines d'Atari étaient bien souvent des bornes "Gravitar" invendues et converties.
La nature des bornes d'arcade "Black Widow" est très bien expliquée et illustrée dans cette vidéo de TNT Amusements, entreprise de vente et restauration de bornes d'arcade située à Southampton en Pennsylvanie (USA), dont je vous recommande l'excellente chaîne YouTube avec insistance - c'est un trésor lorsqu'on s'intéresse aux machines d'arcade (flippers compris) :
Cette situation où "Black Widow" a en quelque sorte pris la place de "Gravitar" a, sur le long terme, plutôt nui à la réputation et à la disponibilité du jeu. Avec le temps, "Gravitar" a été reconnu comme un grand classique qui a créé un genre, le jeu de tir où l'on doit composer avec la gravité et l'inertie ("Thrust" sur Commodore 64, "Solar Jetman" sur NES, "Zarathrusta" sur Amiga, etc.) ; et dans l'objectif de réhabiliter le jeu, on a voulu voir dans "Black Widow" un simple produit commercial et cynique ("Robotron : 2084" que l'on aurait rhabillé avec le thème des arthropodes de "Centipede") afin de valoriser "Gravitar" par comparaison...
En parallèle de ce narratif très partial se pose la question matérielle : comme une grande quantité de bornes "Black Widow" sont originellement des bornes "Gravitar", elles peuvent être restaurées en bornes "Gravitar" ; opération que beaucoup de propriétaires ont effectuée, raréfiant les bornes "Black Widow" et participant à l'effacement du jeu.
Ainsi, "Black Widow" est bizarrement méconnu alors qu'il a eu plus de succès que "Gravitar", et qu'il est à mon humble avis un bien meilleur jeu : on pourrait en effet contre-argumenter face aux partisans de "Gravitar" et détracteurs de "Black Widow" qu'après tout, "Gravitar" est un simple croisement entre "Lunar Lander" et "Asteroids", avec une difficulté brutale et décourageante, un gameplay plutôt lent et frustrant, et une action assez triste et monotone... tout le contraire de "Black Widow" !
Pourtant, il y a un jeu Atari de l'âge d'or qui se trouve presque toujours ignoré lorsqu'il s'agit d'évoquer cet héritage, alors qu'il coche toutes les cases qui auraient dû faire de lui un grand classique : il s'agit de "Black Widow". Jugez plutôt :
- Non seulement "Black Widow" est un jeu Atari de l'âge d'or (1982), mais c'est un jeu vectoriel (en couleur, qui plus est), un type de représentation qui fut pendant un temps considéré comme désuet, mais qui est depuis revenu à la mode et suscite une fascination particulière, surtout depuis la sortie de "Geometry Wars : Retro Evolved" en 2005. Signe de cette popularité : la scène indépendante de la vénérable console Vectrex (elle aussi sortie en 1982) est étonnamment vivace, on aurait donc pu croire qu'un jeu Atari vectoriel attirerait automatiquement l'attention.
- "Black Widow" est un twin stick shooter, un genre là encore redevenu extrêmement populaire suite à l'immense succès de "Geometry Wars : Retro Evolved", et le jeu est de surcroît sorti la même année que "Robotron : 2084" - il fait donc partie des pionniers, ce qui lui apporte forcément une certaine importance historique.
- La réalisation de "Black Widow" est exemplaire : c'est un jeu rapide, coloré, nerveux, détaillé, parfaitement lisible et bien équilibré, qui a d'ailleurs rencontré un bon accueil à sa sortie. Joué de nos jours, le jeu est toujours très amusant et très motivant, avec un gameplay non punitif pour un débutant, et beaucoup de subtilités de scoring.
Il y a une explication qui tient en un mot : "Gravitar". En réalité, "Black Widow" est un kit de conversion de "Gravitar" - ce procédé était alors courant dans la gestion d'une salle d'arcade : au lieu d'acquérir une nouvelle borne, on pouvait acheter à prix réduit de quoi transformer un jeu en un autre. Comme "Gravitar" avait rencontré un accueil décevant, Atari a donc proposé aux gérants de salles d'en faire des bornes "Black Widow" - mêmes les bornes "Black Widow" issues des usines d'Atari étaient bien souvent des bornes "Gravitar" invendues et converties.
La nature des bornes d'arcade "Black Widow" est très bien expliquée et illustrée dans cette vidéo de TNT Amusements, entreprise de vente et restauration de bornes d'arcade située à Southampton en Pennsylvanie (USA), dont je vous recommande l'excellente chaîne YouTube avec insistance - c'est un trésor lorsqu'on s'intéresse aux machines d'arcade (flippers compris) :
Cette situation où "Black Widow" a en quelque sorte pris la place de "Gravitar" a, sur le long terme, plutôt nui à la réputation et à la disponibilité du jeu. Avec le temps, "Gravitar" a été reconnu comme un grand classique qui a créé un genre, le jeu de tir où l'on doit composer avec la gravité et l'inertie ("Thrust" sur Commodore 64, "Solar Jetman" sur NES, "Zarathrusta" sur Amiga, etc.) ; et dans l'objectif de réhabiliter le jeu, on a voulu voir dans "Black Widow" un simple produit commercial et cynique ("Robotron : 2084" que l'on aurait rhabillé avec le thème des arthropodes de "Centipede") afin de valoriser "Gravitar" par comparaison...
En parallèle de ce narratif très partial se pose la question matérielle : comme une grande quantité de bornes "Black Widow" sont originellement des bornes "Gravitar", elles peuvent être restaurées en bornes "Gravitar" ; opération que beaucoup de propriétaires ont effectuée, raréfiant les bornes "Black Widow" et participant à l'effacement du jeu.
Ainsi, "Black Widow" est bizarrement méconnu alors qu'il a eu plus de succès que "Gravitar", et qu'il est à mon humble avis un bien meilleur jeu : on pourrait en effet contre-argumenter face aux partisans de "Gravitar" et détracteurs de "Black Widow" qu'après tout, "Gravitar" est un simple croisement entre "Lunar Lander" et "Asteroids", avec une difficulté brutale et décourageante, un gameplay plutôt lent et frustrant, et une action assez triste et monotone... tout le contraire de "Black Widow" !
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mardi 22 mars 2022
Environmental Station Alpha (Steam) Arvi Teikari
Quand "Metroid Fusion" est sorti sur Game Boy Advance en 2002, cela faisait huit longues années que les amoureux de "Metroid" attendaient une suite au légendaire "Super Metroid" : les choix du jeu portable avaient alors été âprement débattus pour déterminer s'il avait su se montrer à la hauteur de l'événement, mais personne n'avait osé imaginer à l'époque qu'il allait encore falloir attendre près de vingt ans (!) pour que l'histoire de la saga continue. Bien sûr, entretemps, des spin-off, des préquelles et des remakes ont alimenté la série officielle, mais ce n'est qu'avec la sortie de "Metroid Dread" en 2021 sur Nintendo Switch qu'un nouvel épisode en deux dimensions a enfin repris les choses là où elles s'étaient arrêtées.
Pour combler ce manque, les joueurs ont d'abord dû se tourner vers les grands éditeurs, dont Konami avec ses metroidvania sortis sur GBA et Nintendo DS (rappelons que le mot désigne au départ les jeux "Castlevania" dans le style de "Symphony of the Night") ; mais à partir de la généralisation de la vente de jeux par téléchargement et du jeu vidéo indépendant, tout a changé... Profitant de l'inadéquation entre une trop petite offre et une trop grande demande, de jeunes développeurs passionnés ont produit énormément de jeux dans ce genre autrefois assez rare : parmi les exemples les plus mémorables, ont peut citer "Axiom Verge" (qui semble au départ plagier "Metroid" mais se trouve par la suite en situation de lui donner quelques leçons de game design) et "Hollow Knight" (même si pour ma part, le jeu me paraît beaucoup plus proche des "Wonder Boy" depuis "The Dragon's Trap", mais passons).
Dans ce lot de jeux à la "Metroid" sortis autour de 2015, un jeu est passé inaperçu alors qu'il est mon préféré du genre ; il n'y a ceci dit rien d'étonnant à ce que "Environmental Station Alpha" ait été discret puisqu'il s'agissait du premier jeu commercialisé par son auteur, qu'il l'a été uniquement sur Steam, et qu'il ne paye vraiment pas de mine... Quatre ans plus tard, cet auteur allait cependant connaître une petite célébrité grâce à son deuxième jeu commercialisé, "Baba Is You", vendu notamment sur Nintendo Switch : le fameux jeu de puzzles où l'on doit changer les règles pour progresser a su séduire la presse comme les joueurs, ce qui ne m'a pas surpris - après avoir joué à "Environmental Station Alpha", je gardais un œil rivé sur Arvi Teikari alias Hempuli ; son intelligence de design, sa passion et son talent étaient à la fois évidents et prometteurs...
Pour combler ce manque, les joueurs ont d'abord dû se tourner vers les grands éditeurs, dont Konami avec ses metroidvania sortis sur GBA et Nintendo DS (rappelons que le mot désigne au départ les jeux "Castlevania" dans le style de "Symphony of the Night") ; mais à partir de la généralisation de la vente de jeux par téléchargement et du jeu vidéo indépendant, tout a changé... Profitant de l'inadéquation entre une trop petite offre et une trop grande demande, de jeunes développeurs passionnés ont produit énormément de jeux dans ce genre autrefois assez rare : parmi les exemples les plus mémorables, ont peut citer "Axiom Verge" (qui semble au départ plagier "Metroid" mais se trouve par la suite en situation de lui donner quelques leçons de game design) et "Hollow Knight" (même si pour ma part, le jeu me paraît beaucoup plus proche des "Wonder Boy" depuis "The Dragon's Trap", mais passons).
Dans ce lot de jeux à la "Metroid" sortis autour de 2015, un jeu est passé inaperçu alors qu'il est mon préféré du genre ; il n'y a ceci dit rien d'étonnant à ce que "Environmental Station Alpha" ait été discret puisqu'il s'agissait du premier jeu commercialisé par son auteur, qu'il l'a été uniquement sur Steam, et qu'il ne paye vraiment pas de mine... Quatre ans plus tard, cet auteur allait cependant connaître une petite célébrité grâce à son deuxième jeu commercialisé, "Baba Is You", vendu notamment sur Nintendo Switch : le fameux jeu de puzzles où l'on doit changer les règles pour progresser a su séduire la presse comme les joueurs, ce qui ne m'a pas surpris - après avoir joué à "Environmental Station Alpha", je gardais un œil rivé sur Arvi Teikari alias Hempuli ; son intelligence de design, sa passion et son talent étaient à la fois évidents et prometteurs...
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mardi 4 janvier 2022
Pac-Man Championship Edition 2 (Steam) Namco
"Pac-Man Championship Edition" et "Pac-Man Championship Edition DX", sortis respectivement en 2007 et en 2010, ont été d'énormes coups de maître de Namco : les deux jeux ont su tirer pleinement parti des débuts de la vente de jeux dématérialisée et du grand mouvement "néo-rétro" de 2010, devenant de véritables références avec un succès populaire et critique important. Les jeux ont aussi spectaculairement revigoré la franchise Pac-Man, qui après "Pac-Land" avait plutôt pris l'habitude de se servir de la grosse boule jaune pour habiller les idées des autres.
Le génie de "Pac-Man Championship Edition" a été de revenir aux bases du premier "Pac-Man", mais en changeant leur contexte : au lieu de tenir le plus longtemps possible dans une (quasi) infinité de labyrinthes, le but est devenu l'obtention du plus gros score possible en 5 ou 10 minutes dans un labyrinthe qui se renouvelait moitié par moitié. Ce décalage depuis une logique d'endurance vers une logique de performance, voisin de ce que "Super Meat Boy" allait faire au sein du jeu de plateformes, a considérablement dynamisé la formule traditionnelle de "Pac-Man".
Trois ans plus tard, "Pac-Man Championship Edition DX" a repris tous les fondamentaux de "Pac-Man Championship Edition" puis leur a injecté un unique élément qui en a entraîné beaucoup d'autres : des fantômes endormis se trouvaient désormais dans le labyrinthe, qui se réveillaient après avoir été frôlés par Pac-Man pour aussitôt partir à sa poursuite, formant une sorte de "queue" derrière lui. Dès que l'on atteignait une moitié de labyrinthe où se trouvaient des super pac-gommes, on pouvait gober à la suite toute cette "queue" et gagner énormément de points d'un coup. Cet ajout a bouleversé les équilibres habituels de Pac-Man, le jeu s'est rapproché de la logique de "Nibbler" en reposant davantage sur les réflexes, sur la bonne lecture du labyrinthe et savoir y naviguer sans erreur de plus en plus vite : le jeu est ainsi devenu plus simple, plus rapide, incomparablement plus excitant et plus accessible, élargissant nettement le public potentiel de son prédécesseur (dont la technicité en avait refroidi certains).
Six ans après "Pac-Man Championship Edition DX" et neuf ans après "Pac-Man Championship Edition", une suite a finalement été publiée par Namco, "Pac-Man Championship Edition 2". Les réactions à l'annonce de cette sortie ont été très enthousiastes : le public comme les critiques semblaient convaincus que le jeu révolutionnerait une nouvelle fois Pac-Man et deviendrait un nouveau classique du néo-rétro. Mais quand tout ce petit monde a pu y jouer, ça a été la douche froide : les critiques furent perplexes, et la plupart des joueurs ont ressenti de la déception, de la confusion, de l'agacement, voire de la colère.
"Pac-Man Championship Edition 2" a en effet été jugé bancal, étrange, peu intuitif, frustrant, et on lui a paradoxalement reproché d'être à la fois trop éloigné de "Pac-Man" et trop proche des deux "Championship Edition" précédents. Toutes ces doléances sont justifiées dans les faits, même celles qui ont l'air de se contredire, elles tiennent à la façon dont cette suite a été construite ; mais quand on fait le (gros) effort de vraiment comprendre comment son gameplay fonctionne, on a la surprise de découvrir un jeu bien équilibré, précis, stimulant, original et très amusant, qui n'a pas à rougir face à ses prédécesseurs.
Pour ma part, après une première approche très positive, le jeu m'a progressivement toujours plus exaspéré, jusqu'à me retrouver sur le point de le désinstaller et de l'effacer définitivement de ma ludothèque Steam. Et puis, après avoir finalement choisi de lui laisser le bénéfice du doute, après avoir persévéré et avoir effectué des recherches, tout s'est emboîté pour former un ensemble cohérent, et j'ai enfin pu profiter du jeu jusqu'à décrocher avec plaisir des notes 'S' dans chacun de ses parcours. Aujourd'hui, je le préfère au premier "Pac-Man Championship Edition", et je vais autant que possible essayer de vous expliquer pourquoi...
Le génie de "Pac-Man Championship Edition" a été de revenir aux bases du premier "Pac-Man", mais en changeant leur contexte : au lieu de tenir le plus longtemps possible dans une (quasi) infinité de labyrinthes, le but est devenu l'obtention du plus gros score possible en 5 ou 10 minutes dans un labyrinthe qui se renouvelait moitié par moitié. Ce décalage depuis une logique d'endurance vers une logique de performance, voisin de ce que "Super Meat Boy" allait faire au sein du jeu de plateformes, a considérablement dynamisé la formule traditionnelle de "Pac-Man".
Trois ans plus tard, "Pac-Man Championship Edition DX" a repris tous les fondamentaux de "Pac-Man Championship Edition" puis leur a injecté un unique élément qui en a entraîné beaucoup d'autres : des fantômes endormis se trouvaient désormais dans le labyrinthe, qui se réveillaient après avoir été frôlés par Pac-Man pour aussitôt partir à sa poursuite, formant une sorte de "queue" derrière lui. Dès que l'on atteignait une moitié de labyrinthe où se trouvaient des super pac-gommes, on pouvait gober à la suite toute cette "queue" et gagner énormément de points d'un coup. Cet ajout a bouleversé les équilibres habituels de Pac-Man, le jeu s'est rapproché de la logique de "Nibbler" en reposant davantage sur les réflexes, sur la bonne lecture du labyrinthe et savoir y naviguer sans erreur de plus en plus vite : le jeu est ainsi devenu plus simple, plus rapide, incomparablement plus excitant et plus accessible, élargissant nettement le public potentiel de son prédécesseur (dont la technicité en avait refroidi certains).
Six ans après "Pac-Man Championship Edition DX" et neuf ans après "Pac-Man Championship Edition", une suite a finalement été publiée par Namco, "Pac-Man Championship Edition 2". Les réactions à l'annonce de cette sortie ont été très enthousiastes : le public comme les critiques semblaient convaincus que le jeu révolutionnerait une nouvelle fois Pac-Man et deviendrait un nouveau classique du néo-rétro. Mais quand tout ce petit monde a pu y jouer, ça a été la douche froide : les critiques furent perplexes, et la plupart des joueurs ont ressenti de la déception, de la confusion, de l'agacement, voire de la colère.
"Pac-Man Championship Edition 2" a en effet été jugé bancal, étrange, peu intuitif, frustrant, et on lui a paradoxalement reproché d'être à la fois trop éloigné de "Pac-Man" et trop proche des deux "Championship Edition" précédents. Toutes ces doléances sont justifiées dans les faits, même celles qui ont l'air de se contredire, elles tiennent à la façon dont cette suite a été construite ; mais quand on fait le (gros) effort de vraiment comprendre comment son gameplay fonctionne, on a la surprise de découvrir un jeu bien équilibré, précis, stimulant, original et très amusant, qui n'a pas à rougir face à ses prédécesseurs.
Pour ma part, après une première approche très positive, le jeu m'a progressivement toujours plus exaspéré, jusqu'à me retrouver sur le point de le désinstaller et de l'effacer définitivement de ma ludothèque Steam. Et puis, après avoir finalement choisi de lui laisser le bénéfice du doute, après avoir persévéré et avoir effectué des recherches, tout s'est emboîté pour former un ensemble cohérent, et j'ai enfin pu profiter du jeu jusqu'à décrocher avec plaisir des notes 'S' dans chacun de ses parcours. Aujourd'hui, je le préfère au premier "Pac-Man Championship Edition", et je vais autant que possible essayer de vous expliquer pourquoi...
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mardi 7 décembre 2021
Cursed Castilla (eShop 3DS, Steam) Locomalito
Depuis 2010, le "rétro" est revenu en force : alors qu'ils étaient auparavant marginalisés, le pixel art, la 2D, la logique ludique des salles d'arcade, etc. sont tour à tour (re)devenus acceptables, puis à la mode, puis totalement banals, et c'est très bien ainsi. Mais lorsqu'on examine de plus près la "vague rétro" des années 2010, cependant, on remarque que beaucoup de ses jeux s'inspirent certes du rétro, y puisent leur inspiration, mais n'adhèrent pas vraiment aux caractéristiques de leur époque de référence.
Ainsi, "Bit. Trip Beat" va bien au-delà d'un simple jeu Atari 2600, "Fez" se révèle sur le fond davantage un jeu en 3D qu'un jeu en 2D, "Super Meat Boy" ne gère pas du tout son level design et sa difficulté comme un jeu de plateformes 8-bit ou 16-bit, même chose pour "Spelunky" et son level design généré aléatoirement, etc. - tous ces jeux auraient très fortement détonné s'ils étaient sortis à l'époque à laquelle ils rendent hommage.
À l'inverse, au lieu d'être "néo-rétro", quelques jeux ont fait le choix (et pris le risque) d'entièrement embrasser le rétro, au point où leur sortie n'aurait choqué personne dans les années 1980 ou 1990. L'exemple le plus connu de cela, c'est bien sûr "Megaman 9", qui a beaucoup surpris en 2008 avec son imitation parfaite d'un jeu NES, mais il y a d'autres exemples, dont "Maldita Castilla"...
"Maldita Castilla" est un jeu du programmeur espagnol indépendant Locomalito, sorti originellement en 2012 sous la forme d'un simple fichier compressé distribué sur le site de l'auteur, puis ressorti en 2016 en version améliorée et payante sur divers supports (consoles de salon, PC, consoles portables dont une très bonne version 3DS qui gère bien le relief), et rebaptisée pour l'occasion "Cursed Castilla". Il faut signaler qu'à l'inverse d'autres jeux gratuits devenus payants, "Maldita Castilla" est resté disponible au téléchargement sur le site de son auteur même après la sortie de "Cursed Castilla".
À peine démarré, on date "Cursed Castilla" comme un jeu d'arcade de la seconde moitié des années 1980 ; il simule le boot d'une borne d'arcade, et sa réalisation, son esthétique, sa musique, sa logique ludique, sa présentation semblent toutes immédiatement familières, et pour cause : le jeu s'inscrit très précisément entre "Ghosts'n Goblins" (1985) et "Ghouls'n Ghosts" (1988) dont il reprend ouvertement les grandes lignes - le jeu vidéo évoluait vite à l'époque, et on pourrait situer le jeu en 1986 ou 1987, comme une sorte d'épisode officieux intermédiaire produit par une société concurrente de Capcom. En fait, l'affiliation saute tellement aux yeux que les critiques ont résumé le jeu de façon très lapidaire lors de sa sortie, affirmant que c'est en gros "Ghosts'n Goblins" et voilà tout. Pourtant, les choses sont beaucoup plus subtiles que cela, et il me semble d'ailleurs que l'on a un peu oublié ce qu'était "Ghosts'n Goblins" et ses suites - voilà une excellente occasion de réaliser une analyse comparée !
Ainsi, "Bit. Trip Beat" va bien au-delà d'un simple jeu Atari 2600, "Fez" se révèle sur le fond davantage un jeu en 3D qu'un jeu en 2D, "Super Meat Boy" ne gère pas du tout son level design et sa difficulté comme un jeu de plateformes 8-bit ou 16-bit, même chose pour "Spelunky" et son level design généré aléatoirement, etc. - tous ces jeux auraient très fortement détonné s'ils étaient sortis à l'époque à laquelle ils rendent hommage.
À l'inverse, au lieu d'être "néo-rétro", quelques jeux ont fait le choix (et pris le risque) d'entièrement embrasser le rétro, au point où leur sortie n'aurait choqué personne dans les années 1980 ou 1990. L'exemple le plus connu de cela, c'est bien sûr "Megaman 9", qui a beaucoup surpris en 2008 avec son imitation parfaite d'un jeu NES, mais il y a d'autres exemples, dont "Maldita Castilla"...
"Maldita Castilla" est un jeu du programmeur espagnol indépendant Locomalito, sorti originellement en 2012 sous la forme d'un simple fichier compressé distribué sur le site de l'auteur, puis ressorti en 2016 en version améliorée et payante sur divers supports (consoles de salon, PC, consoles portables dont une très bonne version 3DS qui gère bien le relief), et rebaptisée pour l'occasion "Cursed Castilla". Il faut signaler qu'à l'inverse d'autres jeux gratuits devenus payants, "Maldita Castilla" est resté disponible au téléchargement sur le site de son auteur même après la sortie de "Cursed Castilla".
À peine démarré, on date "Cursed Castilla" comme un jeu d'arcade de la seconde moitié des années 1980 ; il simule le boot d'une borne d'arcade, et sa réalisation, son esthétique, sa musique, sa logique ludique, sa présentation semblent toutes immédiatement familières, et pour cause : le jeu s'inscrit très précisément entre "Ghosts'n Goblins" (1985) et "Ghouls'n Ghosts" (1988) dont il reprend ouvertement les grandes lignes - le jeu vidéo évoluait vite à l'époque, et on pourrait situer le jeu en 1986 ou 1987, comme une sorte d'épisode officieux intermédiaire produit par une société concurrente de Capcom. En fait, l'affiliation saute tellement aux yeux que les critiques ont résumé le jeu de façon très lapidaire lors de sa sortie, affirmant que c'est en gros "Ghosts'n Goblins" et voilà tout. Pourtant, les choses sont beaucoup plus subtiles que cela, et il me semble d'ailleurs que l'on a un peu oublié ce qu'était "Ghosts'n Goblins" et ses suites - voilà une excellente occasion de réaliser une analyse comparée !
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mardi 13 juillet 2021
Moose Life (Steam) Llamasoft
Jeff Minter est en quelque sorte le Big Lebowski du jeu vidéo : le monde change autour de lui de plus en plus vite, mais depuis le début des années 1980, il reste toujours le même, calme et imperturbable, comme un point de repère rassurant au milieu d'une actualité vidéoludique parfois chaotique. Les autres noms du jeu vidéo des années 1980, dont certains ont fait et défait d'énormes compagnies et manipulé d'immenses fortunes, ont tous disparu de l'actualité les uns après les autres - Lord British n'est plus qu'un souvenir, Peter Molyneux a été brutalement déchu de son statut de prophète pour être rabaissé à celui de "menteur pathologique", mais pendant ce temps, Jeff Minter reste Jeff Minter, avec ses éternels airs apaisants de hippie sous retours d'acide, et il sort des jeux à la Jeff Minter avec la même constance, depuis le VIC-20 et le ZX81 jusqu'au casque de Réalité Virtuelle.
On pourrait résumer brièvement l'ambition de Jeff Minter par une parabole : imaginez un jeune homme du début des années 1980 qui, après avoir ingéré une substance hallucinogène illicite et très puissante, se rende dans une salle d'arcade dotée de "Tempest", "Berzerk", "Defender", etc. et qui ait eu ce jour-là l'expérience la plus spectaculaire et la plus bouleversante de sa vie, au point de jurer qu'il consacrerait le reste de son existence à reproduire cette expérience pour les autres joueurs (mais à jeun) - et voilà, vous avez le cœur vidéoludique de Jeff Minter et de sa compagnie Llamasoft !
La promesse de Llamasoft, totalement unique (et longtemps à rebours) dans le paysage vidéoludique, est donc de nous procurer une expérience psychédélique en exploitant les caractéristiques du jeu vidéo de l'âge d'or. Cela s'opère selon trois axes :
Dans une équation qui repose sur l'excès, il est cependant essentiel de bien maîtriser ses équilibres, et Jeff Minter n'y arrive pas toujours : "Space Giraffe" par exemple, sorti en 2007 sur Xbox Live Arcade, va bien au-delà de l'expérience psychédélique, on y a carrément la sensation de faire une overdose (la version Steam est plus clémente, mais on en parlera ultérieurement). Si la qualité de son gameplay est stellaire, le jeu exige beaucoup d'investissement, notamment pour savoir contrer une "surcharge sensorielle" envahissante - des effets sonores marqués sont censés nous aider à compenser une lisibilité très relative, mais ils donnent surtout l'impression de se raccrocher désespérément à son ouïe alors que l'on perd la vue... on est ici loin de l'accessibilité de l'arcade !
À l'inverse, "Polybius", sorti en 2017 sur PlayStation 4 et PC et jouable avec un casque de Réalité Virtuelle (les jeux Llamasoft ont beau être ancrés dans l'âge d'or, ils ont toujours tiré parti des outils modernes), procure de bonnes sensations : le jeu est superbe, parvenant à être hypnotique tout en restant structuré et lisible, et il rend parfaitement hommage à la légende urbaine de la borne d'arcade "Polybius" ; mais son gameplay est très inféodé à son immersion (et à la Réalité Virtuelle), avec des règles improvisées à chaque niveau comme certains jeux de Jeff Minter sur Commodore 64 - il s'agit donc ici davantage d'une expérience sensorielle ou d'une aventure avec des obstacles à mémoriser qu'un jeu à scores old school aux règles clairement préétablies et délimitées.
Un jeu Llamasoft aura cependant concrétisé dans ses moindres recoins la promesse de la compagnie : il s'agit de "Moose Life", conçu dans le sillage de "Polybius" et "Minotaur Arcade Volume 1" en 2020 pour PlayStation 4 et PC, avec le même argument commercial de pouvoir être joué en Réalité Virtuelle. À l'origine, le jeu ne devait être qu'un mini-jeu inclus dans un second opus de "Minotaur Arcade", mais il est finalement devenu un projet indépendant et prioritaire, qui en ce qui me concerne aura été ma porte d'entrée dans le monde merveilleux de Jeff Minter, faisant de moi un nouvel adepte du gourou aux ongulés...
On pourrait résumer brièvement l'ambition de Jeff Minter par une parabole : imaginez un jeune homme du début des années 1980 qui, après avoir ingéré une substance hallucinogène illicite et très puissante, se rende dans une salle d'arcade dotée de "Tempest", "Berzerk", "Defender", etc. et qui ait eu ce jour-là l'expérience la plus spectaculaire et la plus bouleversante de sa vie, au point de jurer qu'il consacrerait le reste de son existence à reproduire cette expérience pour les autres joueurs (mais à jeun) - et voilà, vous avez le cœur vidéoludique de Jeff Minter et de sa compagnie Llamasoft !
La promesse de Llamasoft, totalement unique (et longtemps à rebours) dans le paysage vidéoludique, est donc de nous procurer une expérience psychédélique en exploitant les caractéristiques du jeu vidéo de l'âge d'or. Cela s'opère selon trois axes :
- L'abstraction : les univers vidéoludiques sont restés très particuliers jusqu'au milieu des années 1980, avec des effets, des représentations, des proportions, des "personnages" etc. étranges et colorés, juxtaposés comme dans une sorte de collage surréaliste. Le jeu vidéo a cherché très tôt à s'affranchir de cette abstraction, mais celle-ci sert à la perfection le projet de Llamasoft, qui prend un malin plaisir à l'amplifier (notamment en mettant des ongulés partout).
- La concentration exigée par le gameplay : les bornes d'arcade de l'âge d'or avaient de gros impératifs de rentabilité, elles s'efforçaient donc de faire perdre le joueur aussi vite que possible tout en lui donnant envie de rejouer encore et encore. Pour obtenir ce résultat, le gameplay y est très intense et difficile, mais le défi y reste très fair-play et motivant. L'exigence de concentration qui en résulte, sans pareille à comparer des autres activités humaines, provoque chez le joueur un état mental inhabituel, recherché par Llamasoft.
- La surcharge sensorielle : le jeu vidéo a toujours essayé d'être spectaculaire, que ça soit sur le plan visuel ou auditif. Durant l'âge d'or, on ne pouvait pas impressionner avec son réalisme, on le faisait donc sous forme de surcharge, qu'il s'agisse de gros sons, de clignotements, d'effets, d'abondance d'ennemis à l'écran, etc.
Dans une équation qui repose sur l'excès, il est cependant essentiel de bien maîtriser ses équilibres, et Jeff Minter n'y arrive pas toujours : "Space Giraffe" par exemple, sorti en 2007 sur Xbox Live Arcade, va bien au-delà de l'expérience psychédélique, on y a carrément la sensation de faire une overdose (la version Steam est plus clémente, mais on en parlera ultérieurement). Si la qualité de son gameplay est stellaire, le jeu exige beaucoup d'investissement, notamment pour savoir contrer une "surcharge sensorielle" envahissante - des effets sonores marqués sont censés nous aider à compenser une lisibilité très relative, mais ils donnent surtout l'impression de se raccrocher désespérément à son ouïe alors que l'on perd la vue... on est ici loin de l'accessibilité de l'arcade !
À l'inverse, "Polybius", sorti en 2017 sur PlayStation 4 et PC et jouable avec un casque de Réalité Virtuelle (les jeux Llamasoft ont beau être ancrés dans l'âge d'or, ils ont toujours tiré parti des outils modernes), procure de bonnes sensations : le jeu est superbe, parvenant à être hypnotique tout en restant structuré et lisible, et il rend parfaitement hommage à la légende urbaine de la borne d'arcade "Polybius" ; mais son gameplay est très inféodé à son immersion (et à la Réalité Virtuelle), avec des règles improvisées à chaque niveau comme certains jeux de Jeff Minter sur Commodore 64 - il s'agit donc ici davantage d'une expérience sensorielle ou d'une aventure avec des obstacles à mémoriser qu'un jeu à scores old school aux règles clairement préétablies et délimitées.
Un jeu Llamasoft aura cependant concrétisé dans ses moindres recoins la promesse de la compagnie : il s'agit de "Moose Life", conçu dans le sillage de "Polybius" et "Minotaur Arcade Volume 1" en 2020 pour PlayStation 4 et PC, avec le même argument commercial de pouvoir être joué en Réalité Virtuelle. À l'origine, le jeu ne devait être qu'un mini-jeu inclus dans un second opus de "Minotaur Arcade", mais il est finalement devenu un projet indépendant et prioritaire, qui en ce qui me concerne aura été ma porte d'entrée dans le monde merveilleux de Jeff Minter, faisant de moi un nouvel adepte du gourou aux ongulés...
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dimanche 14 mars 2021
Tau Ceti - The Special Edition (ZX Spectrum) Pete Cooke
L'omniprésence de la culture américaine nuit à la bonne compréhension de l'histoire européenne, avec un risque pour la postérité : alors que les générations se renouvellent, les jeunes Européens adoptent spontanément le point de vue américain même si celui-ci ne correspond pas à la véritable histoire de leur continent, ce qui résulte in fine en une dramatique perte de mémoire.
Cela concerne beaucoup de sujets, dont le jeu vidéo : ainsi, ces dernières années, nous avons tous entendu en boucle la fameuse histoire du "krach du jeu vidéo de 1983", qui voudrait que la qualité catastrophique des jeux Atari 2600 aurait tué le jeu vidéo, bien heureusement sauvé in extremis par Nintendo grâce à la NES, celle-ci ayant alors été libre de dominer intégralement le marché.
Or, pour un jeune Européen amateur de jeu vidéo dans les années 1980, cette histoire ne concernait que l'autre bout de la planète. Dans ces années-là, en Europe, le monde du jeu vidéo tournait en réalité autour de micro-ordinateurs portés par la juste conviction que l'informatique allait bientôt jouer un rôle crucial, la (petite) place des consoles étant tenue par la Master System.
Un micro-ordinateur et une console, ça n'est pas la même chose : avec un ordinateur, vous pouvez créer. Alors que les Américains étaient solidement ancrés dans une pure mentalité de consommateur, l'Europe s'était lancée dans le jeu vidéo indépendant avec trente ans d'avance : beaucoup de jeux vidéo vendus dans le commerce étaient en effet codés par de simples joueurs qui savaient utiliser leur clavier, avec déjà à l'époque des concepts étonnants très éloignés du modèle ronronnant de l'arcade japonaise.
Je l'ai dit dans mon article sur "Sepulcri" (Amstrad CPC) : parfois, ces jeux étaient incroyablement ambitieux, surtout ramenés aux capacités des systèmes sur lesquels ils tournaient. "Sepulcri", par exemple, était constitué d'un labyrinthe en 3D très complexe de plus de 250 salles, celles-ci étant de formes diverses et couvrant parfois deux étages. "The Sentinel" proposait une sorte de partie d'échecs en temps réel dans des décors surréalistes en 3D s'étendant sur 10.000 niveaux. Et évidemment, il y a "Elite", le fameux simulateur spatial en 3D qui faisait tenir 8 galaxies et des milliers d'étoiles dans 20ko - on est loin de Mario sautant sur des tortues.
Dans la lignée de "Elite", un autre jeu a fait preuve d'innovation et d'ambition et a été largement récompensé pour cela ; mais au contraire du jeu de David Braben et Ian Bell, il a depuis plutôt disparu de la mémoire collective, au point où il est devenu difficile de comprendre comment y jouer correctement : je veux parler de "Tau Ceti" de Pete Cooke sorti en 1985 sur ZX Spectrum, et plus spécifiquement de son édition spéciale de 1987. Il serait criminel de laisser un tel chef-d'œuvre sombrer dans l'oubli...
Cela concerne beaucoup de sujets, dont le jeu vidéo : ainsi, ces dernières années, nous avons tous entendu en boucle la fameuse histoire du "krach du jeu vidéo de 1983", qui voudrait que la qualité catastrophique des jeux Atari 2600 aurait tué le jeu vidéo, bien heureusement sauvé in extremis par Nintendo grâce à la NES, celle-ci ayant alors été libre de dominer intégralement le marché.
Or, pour un jeune Européen amateur de jeu vidéo dans les années 1980, cette histoire ne concernait que l'autre bout de la planète. Dans ces années-là, en Europe, le monde du jeu vidéo tournait en réalité autour de micro-ordinateurs portés par la juste conviction que l'informatique allait bientôt jouer un rôle crucial, la (petite) place des consoles étant tenue par la Master System.
Un micro-ordinateur et une console, ça n'est pas la même chose : avec un ordinateur, vous pouvez créer. Alors que les Américains étaient solidement ancrés dans une pure mentalité de consommateur, l'Europe s'était lancée dans le jeu vidéo indépendant avec trente ans d'avance : beaucoup de jeux vidéo vendus dans le commerce étaient en effet codés par de simples joueurs qui savaient utiliser leur clavier, avec déjà à l'époque des concepts étonnants très éloignés du modèle ronronnant de l'arcade japonaise.
Je l'ai dit dans mon article sur "Sepulcri" (Amstrad CPC) : parfois, ces jeux étaient incroyablement ambitieux, surtout ramenés aux capacités des systèmes sur lesquels ils tournaient. "Sepulcri", par exemple, était constitué d'un labyrinthe en 3D très complexe de plus de 250 salles, celles-ci étant de formes diverses et couvrant parfois deux étages. "The Sentinel" proposait une sorte de partie d'échecs en temps réel dans des décors surréalistes en 3D s'étendant sur 10.000 niveaux. Et évidemment, il y a "Elite", le fameux simulateur spatial en 3D qui faisait tenir 8 galaxies et des milliers d'étoiles dans 20ko - on est loin de Mario sautant sur des tortues.
Dans la lignée de "Elite", un autre jeu a fait preuve d'innovation et d'ambition et a été largement récompensé pour cela ; mais au contraire du jeu de David Braben et Ian Bell, il a depuis plutôt disparu de la mémoire collective, au point où il est devenu difficile de comprendre comment y jouer correctement : je veux parler de "Tau Ceti" de Pete Cooke sorti en 1985 sur ZX Spectrum, et plus spécifiquement de son édition spéciale de 1987. Il serait criminel de laisser un tel chef-d'œuvre sombrer dans l'oubli...
dimanche 13 septembre 2020
Pac-Man CE et Pac-Man CE DX+ (XBLA, Steam) Namco
La "vague rétro", qui a remis au goût du jour la 2D, le pixel art et le old school autour des années 2010, est en général confondue avec le jeu vidéo indépendant ; mais pourtant, de grands éditeurs traditionnels dont l'existence remonte aux origines de l'arcade comme Capcom, Nintendo, Taito et Namco ont autant voire davantage fait pour ce mouvement : "Space Invaders Extreme" pour Taito et "Pac-Man Championship Edition" puis "Pac-Man Championship Edition DX+" pour Namco, tous sortis entre 2007 et 2010, sont en particulier de spectaculaires revivals de séries classiques de l'arcade, séries qui en trente ans avaient jusque-là surtout cherché à se moderniser - leur "remise à zéro" radicale mêlant retour aux sources et innovation avait alors d'autant plus de mérite qu'à leur sortie le "rétro" n'était pas encore tendance...
Les deux jeux de Namco sont souvent amalgamés à tort : à sa sortie, "Pac-Man CE DX" (qui n'avait pas encore son "plus") a très souvent été décrit comme une simple version améliorée de "Pac-Man CE", alors qu'en réalité leur gameplay est très différent.
"Pac-Man Championship Edition" est sorti en 2007 sur le Xbox Live Arcade où il a tout de suite fait sensation, puis il a été porté sur divers supports et a fait partie de diverses compilations ("Pac-Man Museum", "Pac-Man & Galaga Dimensions").
L'idée de "Pac-Man CE" est de revenir aux bases du premier "Pac-Man" tout en les modernisant et en les dynamisant, avec une structure qui met au premier plan la performance plutôt que l'endurance. Ici, au lieu de laisser le joueur jouer indéfiniment jusqu'à arriver à court de vies, l'objectif est d'obtenir le plus gros score possible en 5 ou 10 minutes dans un labyrinthe évolutif : le format 16/9 du jeu est exploité en coupant le labyrinthe en deux ; après avoir collecté toutes les pastilles dans une moitié, celle-ci s'éteint, puis un bonus apparaît dans l'autre moitié - collecter ce bonus réactualise alors la moitié éteinte avec un nouveau parcours et de nouvelles pastilles. On peut ainsi bénéficier de la logique de l'écran fixe, lisible entièrement sans coupure et sans scrolling, tout en ayant sans cesse accès à de nouveaux labyrinthes, moitié par moitié.
Les deux jeux de Namco sont souvent amalgamés à tort : à sa sortie, "Pac-Man CE DX" (qui n'avait pas encore son "plus") a très souvent été décrit comme une simple version améliorée de "Pac-Man CE", alors qu'en réalité leur gameplay est très différent.
"Pac-Man Championship Edition" est sorti en 2007 sur le Xbox Live Arcade où il a tout de suite fait sensation, puis il a été porté sur divers supports et a fait partie de diverses compilations ("Pac-Man Museum", "Pac-Man & Galaga Dimensions").
L'idée de "Pac-Man CE" est de revenir aux bases du premier "Pac-Man" tout en les modernisant et en les dynamisant, avec une structure qui met au premier plan la performance plutôt que l'endurance. Ici, au lieu de laisser le joueur jouer indéfiniment jusqu'à arriver à court de vies, l'objectif est d'obtenir le plus gros score possible en 5 ou 10 minutes dans un labyrinthe évolutif : le format 16/9 du jeu est exploité en coupant le labyrinthe en deux ; après avoir collecté toutes les pastilles dans une moitié, celle-ci s'éteint, puis un bonus apparaît dans l'autre moitié - collecter ce bonus réactualise alors la moitié éteinte avec un nouveau parcours et de nouvelles pastilles. On peut ainsi bénéficier de la logique de l'écran fixe, lisible entièrement sans coupure et sans scrolling, tout en ayant sans cesse accès à de nouveaux labyrinthes, moitié par moitié.
mercredi 19 février 2020
La vague rétro (et l'exemple "Rogue Legacy")
Dans ce blog, j'ai déjà beaucoup évoqué la vague rétro qui remonte à la fin des années 2000, mais jusqu'à mon abandon en 2016 du jeu sur consoles, je l'ai exagérément examinée à travers le prisme des jeux Nintendo ; bien sûr parce que je jouais alors surtout sur les consoles de la marque, mais aussi parce que Nintendo est le seul constructeur qui a anticipé le retour du rétro au point d'en faire la philosophie affichée d'une console de salon, la Wii, assumant alors une rupture nette d'avec la mentalité en vogue : malgré un marketing axé sur l'innovation, le but revendiqué de la Wii a en effet toujours été de revenir aux fondamentaux.
Mais Nintendo n'a pas été aux sources du phénomène "rétro" : dès 2004, deux ans avant la Wii, Microsoft s'était déjà intéressé aux expériences "rétro" avec la création du Xbox Live Arcade, qui allait proposer dès la première Xbox des portages de vieux jeux ainsi qu'une poignée de nouvelles expériences typées "arcade" ("Mutant Storm", par exemple) ; et avant cela encore, le phénomène du rétro avait déjà commencé à s'épanouir sur PC grâce aux développeurs indépendants - et, même s'il aura à terme irrigué tout le marché vidéoludique, on ne peut que constater que ledit phénomène sera resté avant tout typique du PC, notamment sous Steam.
Il ne faut jamais oublier qu'entre le milieu des années 1990 et la vague rétro, la 2D était considérée comme un reliquat de l'histoire, sans même parler du pixel art. L'avenir semblait appartenir tout entier à la 3D et à des univers toujours plus détaillés, toujours plus immersifs, toujours plus réalistes, avec un ton toujours plus "mature" voire sombre. Même sur une console portable comme la GBA, les graphismes digitalisés à la façon de "Donkey Kong Country" sont progressivement devenus plus fréquents pour faire oublier la nature 2D du support ; et le milieu journalistique dans son ensemble, à l'annonce de la Nintendo DS (de loin le plus gros succès de Nintendo), lui prédisait un futur catastrophique au prétexte principal que ses capacités 3D étaient bien trop limitées.
De même, sur le plan ludique, personne ne semblait alors envisager que la 2D puisse faire quoi que ce soit de mieux que la 3D, et toute expérience qui reproduisait un peu trop les codes de l'arcade ou du old school (difficulté, rythme, univers, quête du score) se faisait aussitôt attribuer dans les critiques professionnelles le qualificatif de l'infamie censé mettre fin à tout débat : "archaïque". En toute circonstance, il fallait être moderne, et être moderne, c'était raconter une histoire, exposer un univers crédible, présenter des dialogues parlés (même la réédition de "Super Mario Bros. 2" sur GBA est garnie de voix digitalisées qui exaspèrent aujourd'hui), proposer une durée de vie d'au moins plusieurs dizaines d'heures sans répétition de décors ou d'action - bref, tout ce qui définit le modèle du "film interactif" qui allait s'imposer petit à petit, et qui traite le gameplay comme un moyen plutôt que comme une fin.
Mais Nintendo n'a pas été aux sources du phénomène "rétro" : dès 2004, deux ans avant la Wii, Microsoft s'était déjà intéressé aux expériences "rétro" avec la création du Xbox Live Arcade, qui allait proposer dès la première Xbox des portages de vieux jeux ainsi qu'une poignée de nouvelles expériences typées "arcade" ("Mutant Storm", par exemple) ; et avant cela encore, le phénomène du rétro avait déjà commencé à s'épanouir sur PC grâce aux développeurs indépendants - et, même s'il aura à terme irrigué tout le marché vidéoludique, on ne peut que constater que ledit phénomène sera resté avant tout typique du PC, notamment sous Steam.
Il ne faut jamais oublier qu'entre le milieu des années 1990 et la vague rétro, la 2D était considérée comme un reliquat de l'histoire, sans même parler du pixel art. L'avenir semblait appartenir tout entier à la 3D et à des univers toujours plus détaillés, toujours plus immersifs, toujours plus réalistes, avec un ton toujours plus "mature" voire sombre. Même sur une console portable comme la GBA, les graphismes digitalisés à la façon de "Donkey Kong Country" sont progressivement devenus plus fréquents pour faire oublier la nature 2D du support ; et le milieu journalistique dans son ensemble, à l'annonce de la Nintendo DS (de loin le plus gros succès de Nintendo), lui prédisait un futur catastrophique au prétexte principal que ses capacités 3D étaient bien trop limitées.
De même, sur le plan ludique, personne ne semblait alors envisager que la 2D puisse faire quoi que ce soit de mieux que la 3D, et toute expérience qui reproduisait un peu trop les codes de l'arcade ou du old school (difficulté, rythme, univers, quête du score) se faisait aussitôt attribuer dans les critiques professionnelles le qualificatif de l'infamie censé mettre fin à tout débat : "archaïque". En toute circonstance, il fallait être moderne, et être moderne, c'était raconter une histoire, exposer un univers crédible, présenter des dialogues parlés (même la réédition de "Super Mario Bros. 2" sur GBA est garnie de voix digitalisées qui exaspèrent aujourd'hui), proposer une durée de vie d'au moins plusieurs dizaines d'heures sans répétition de décors ou d'action - bref, tout ce qui définit le modèle du "film interactif" qui allait s'imposer petit à petit, et qui traite le gameplay comme un moyen plutôt que comme une fin.
dimanche 5 janvier 2020
1001 Spikes (Steam) 8bits fanatics
Le jeu de plateformes fait partie de mes genres favoris : j'ai joué à l'intégralité des grands classiques (ceux de Nintendo bien sûr, Capcom, SEGA, etc.) et j'ai aussi pratiqué beaucoup de variantes du genre, dont des formules modernes et novatrices comme les hardcore platformers ("Super Meat Boy", "Bit. Trip Runner", "Remnants of Naezith")... Et pourtant, si on me demandait quel est mon jeu de plateformes préféré, je répondrais spontanément "1001 Spikes", alors que celui-ci est une simple version améliorée de "Aban Hawkins & the 1000 SPIKES", un petit jeu de 2011 vendu 1€ sur le XNA (le marché indépendant de la Xbox 360).
À l'époque, j'avais découvert "Aban Hawkins & the 1000 SPIKES" et "Spelunky" en même temps sur ma Xbox 360, coïncidence amusante puisque les deux jeux semblent descendre du même ancêtre ludique, "Rick Dangerous", un jeu de plateformes conçu par Core Design très populaire sur micro-ordinateurs 8-bit et 16-bit, et que j'ai bien connu sur Amiga.
Dans chacun des trois jeux, il s'agit en effet de diriger un héros à la Indiana Jones dans des décors exotiques afin de récupérer le maximum de trésors archéologiques sans se faire tuer par l'écosystème local, et surtout, sans tomber dans les nombreux pièges mortels du jeu (pieux qui sortent brutalement d'éléments du décor, statues qui crachent des fléchettes empoisonnées, etc.), avec une difficulté franchement abrupte.
Les apparences peuvent être cependant trompeuses, "Spelunky" n'ayant rien à voir sur le fond avec les deux autres, qui sont quant à eux effectivement très proches : "Spelunky" repose entièrement sur ses emprunts à "Rogue", et en particulier sur sa génération aléatoire du terrain qui supprime la possibilité d'apprendre le jeu par cœur et nous contraint donc à improviser - tout le contraire de "Rick Dangerous" et "1001 Spikes" où le par cœur est crucial, les jeux appartenant à un type bien spécifique de "die & retry"...
À l'époque, j'avais découvert "Aban Hawkins & the 1000 SPIKES" et "Spelunky" en même temps sur ma Xbox 360, coïncidence amusante puisque les deux jeux semblent descendre du même ancêtre ludique, "Rick Dangerous", un jeu de plateformes conçu par Core Design très populaire sur micro-ordinateurs 8-bit et 16-bit, et que j'ai bien connu sur Amiga.
Dans chacun des trois jeux, il s'agit en effet de diriger un héros à la Indiana Jones dans des décors exotiques afin de récupérer le maximum de trésors archéologiques sans se faire tuer par l'écosystème local, et surtout, sans tomber dans les nombreux pièges mortels du jeu (pieux qui sortent brutalement d'éléments du décor, statues qui crachent des fléchettes empoisonnées, etc.), avec une difficulté franchement abrupte.
Les apparences peuvent être cependant trompeuses, "Spelunky" n'ayant rien à voir sur le fond avec les deux autres, qui sont quant à eux effectivement très proches : "Spelunky" repose entièrement sur ses emprunts à "Rogue", et en particulier sur sa génération aléatoire du terrain qui supprime la possibilité d'apprendre le jeu par cœur et nous contraint donc à improviser - tout le contraire de "Rick Dangerous" et "1001 Spikes" où le par cœur est crucial, les jeux appartenant à un type bien spécifique de "die & retry"...
Sujets :
Jeux de plateformes,
Old school,
Retrogaming,
Steam,
Xbox 360
dimanche 24 novembre 2019
Princess Remedy (les deux jeux sur Steam) Ludosity
"Princess Remedy in a World of Hurt" et "Princess Remedy 2 : In A Heap of Trouble" sont deux jeux indépendants adorables nés originellement d'une "game jam" (concours de programmation où l'on doit créer un jeu en très peu de temps), et qui recoupent plusieurs tendances rétro : leurs graphismes en pixel art rendent hommage au ZX Spectrum (sans son fameux colour clash, hélas), leur esthétique et leur univers reprennent les clichés des jeux de rôle japonais, et leur action s'inspire des twin stick shooters façon "Robotron : 2084". Ce drôle de mélange hétéroclite est de surcroît accompagné d'un délicieux retournement des conventions...
Malgré leur humilité, ces jeux sont pour moi deux bijoux néo-rétro extraordinairement distrayants, qui prouvent que l'on peut créer quelque chose de surprenant, transgressif et novateur à partir de "vieux" concepts des années 1980, même si le premier épisode (gratuit) vaut plus le détour que le second (payant)...
Malgré leur humilité, ces jeux sont pour moi deux bijoux néo-rétro extraordinairement distrayants, qui prouvent que l'on peut créer quelque chose de surprenant, transgressif et novateur à partir de "vieux" concepts des années 1980, même si le premier épisode (gratuit) vaut plus le détour que le second (payant)...
samedi 31 décembre 2016
Quelques artworks et overlays pour émulateurs (format 16/9)
Je considère que l'on ne peut pas prétendre se passionner pour le jeu vidéo sans s'intéresser à son histoire. Bien sûr, en particulier lorsqu'on est jeune, il peut être tentant de croire que les œuvres doivent être directement accessibles et appréciables, s'exonérant ainsi d'effectuer des recherches sur leur contexte historique, leur généalogie, leur support, leurs auteurs, etc. pour rester un simple consommateur face à un produit, c'est-à-dire en profiter passivement sans se poser de question, décider très vite si on "accroche", puis passer au produit suivant dès que l'on est lassé ou repu.
Si l'on est passionné par une forme artistique quelle qu'elle soit, on se rend pourtant très vite compte que cette vision d'œuvres que l'on pourrait juger ou même apprécier en dehors de tout contexte, comme si elles venaient de nulle part, allaient nulle part, et ne reposaient sur rien, est absurde. Nier que les œuvres sont conçues et doivent être perçues par rapport à leur histoire, c'est rester à jamais prisonnier du contexte de l'instant présent, des œillères à la mode ; alors que voyager mentalement dans le temps et être conscient de l'évolution des repères et des mentalités permet de multiplier les points de vue, de relativiser et travailler ses goûts, et donc de profiter bien davantage de l'art en général et du jeu vidéo en particulier.
L'émulation a ainsi joué un rôle primordial pour le jeu vidéo ; d'abord dans la démocratisation de l'accès au patrimoine vidéoludique, puis bien sûr dans sa conservation : combien de jeux auraient sombré dans l'oubli sans l'émulation, surtout après l'hécatombe des développeurs et éditeurs classiques au cours des dernières générations ?
L'émulation a aussi bouleversé le cours de l'histoire du jeu vidéo : les auteurs indépendants à l'origine de la "vague rétro" de la fin des années 2000 ont en effet été directement influencés par le renouveau de l'intérêt pour le old school - sans l'émulation, il est à peu près certain que l'on n'aurait pas eu droit à "Super Meat Boy", "VVVVVV", "Shovel Knight", etc.
L'émulation, cependant, peut poser au joueur trois problèmes graphiques ou esthétiques :
Si l'on est passionné par une forme artistique quelle qu'elle soit, on se rend pourtant très vite compte que cette vision d'œuvres que l'on pourrait juger ou même apprécier en dehors de tout contexte, comme si elles venaient de nulle part, allaient nulle part, et ne reposaient sur rien, est absurde. Nier que les œuvres sont conçues et doivent être perçues par rapport à leur histoire, c'est rester à jamais prisonnier du contexte de l'instant présent, des œillères à la mode ; alors que voyager mentalement dans le temps et être conscient de l'évolution des repères et des mentalités permet de multiplier les points de vue, de relativiser et travailler ses goûts, et donc de profiter bien davantage de l'art en général et du jeu vidéo en particulier.
L'émulation a ainsi joué un rôle primordial pour le jeu vidéo ; d'abord dans la démocratisation de l'accès au patrimoine vidéoludique, puis bien sûr dans sa conservation : combien de jeux auraient sombré dans l'oubli sans l'émulation, surtout après l'hécatombe des développeurs et éditeurs classiques au cours des dernières générations ?
L'émulation a aussi bouleversé le cours de l'histoire du jeu vidéo : les auteurs indépendants à l'origine de la "vague rétro" de la fin des années 2000 ont en effet été directement influencés par le renouveau de l'intérêt pour le old school - sans l'émulation, il est à peu près certain que l'on n'aurait pas eu droit à "Super Meat Boy", "VVVVVV", "Shovel Knight", etc.
L'émulation, cependant, peut poser au joueur trois problèmes graphiques ou esthétiques :
- Affichés "au naturel" sur les TV modernes, les jeux émulés n'ont plus du tout le rendu pour lequel ils ont été conçus, à savoir celui des tubes cathodiques 4/3 ou des consoles portables de l'époque.
- L'émulation fait perdre le contexte physique de l'expérience d'origine, ce qui est surtout dommageable pour les bornes d'arcade de l'âge d'or, dont les graphismes étaient très simples et qui profitaient donc beaucoup de leurs décorations périphériques (bezel, bandeau, etc.).
- Affichés sur écran TV ou moniteur 16/9, les jeux émulés semblent perdus au milieu d'un grand rectangle noir.
lundi 12 janvier 2015
La série des "Bit. Trip" (Wii, Steam) Gaijin Games
Je suis convaincu que la génération de la Xbox 360, la PS3 et la Wii est historiquement bien plus importante et significative pour le jeu vidéo que celle qui nous aura apporté le jeu en 3D (Saturn, PlayStation, Nintendo 64).
Quel était l'état d'esprit au début de cette génération, amorcée avec la Xbox 360 en 2005 ? Toute l'attention se portait alors sur le réalisme : enfin, pensait-on, on allait s'émanciper des contraintes techniques et jouer avec des jeux qui ressemblaient à des films ! Plus que jamais, la 2D, les gros pixels, le gameplay arcade, etc. semblaient être une chose du passé, toute juste bonne à offrir une petite distraction gratuite sur un smartphone ou un navigateur Internet. Les amateurs de jeu vidéo à l'ancienne étaient inquiets : "Symphony of the Night" sur PlayStation allait-il rester le pinnacle du jeu vidéo en 2D ? L'avenir vidéoludique allait-il se résumer à des FPS marron/gris narratifs et photoréalistes ?
Dans un étonnant coup du sort, c'est l'inverse qui s'est produit : autour de l'année 2010, une incroyable révolution survint, l'irruption de la vente de jeux par téléchargement a soudain offert un créneau commercial à des jeux très old school, et à des développeurs indépendants désireux de revenir aux sources du jeu vidéo afin d'explorer de nouvelles directions transgressives... la modernité, à savoir ici le format dématérialisé, accouchait donc finalement d'une redécouverte des fondamentaux !
On pourrait comparer le phénomène à la peinture : pendant longtemps, le réalisme a été un critère majeur dans l'appréciation d'un tableau, mais à partir de l'invention de la photographie, à quoi bon chercher à réaliser une peinture la plus proche possible de la réalité, alors que l'appareil photo fait instantanément la même chose ? Délivrée de la course au réalisme, la peinture a alors pu explorer d'autres voies ; et de la même manière, une fois assouvi leur vieux fantasme de jeu "mature" réaliste, les joueurs et les concepteurs ont eu envie d'autre chose, rompant d'avec la logique de "progrès" qui animait jusque-là le jeu vidéo.
D'où "Minecraft", "Super Meat Boy", le retour du jeu en 2D, la glorification des jeux indépendants, et cet E3 2010 que je considère comme historique où Nintendo, qui pourtant continuait de faire ce qu'ils ont toujours fait et qui auparavant les vouait aux gémonies, s'est soudain vu acclamé de toute part, remportant notamment le prix des meilleurs graphismes du salon (!) d'après GameTrailers (pourtant peu rebelle) pour "Kirby's Epic Yarn" (Wii), devant "Crysis 2", "Killzone 3" et "Gears of War 3" !
On aurait pourtant pu argumenter que "Kirby's Epic Yarn" s'était contenté de perpétuer les visuels créés par "Yoshi's Island" et "Yoshi's Story" plus de dix ans auparavant, mais la motivation de GameTrailers était limpide, expliquant clairement le retour de Nintendo dans les bonnes grâces : "quand on regarde les autres jeux", disaient-ils, "on a du mal à les différencier".
En l'espace d'une génération, ce qui avait toujours été un rêve inatteignable nous a lassé par son omniprésence, ce qui, conjugué avec l'opportunité de la vente dématérialisée, a laissé le champ libre à des expériences nostalgiques, épurées, novatrices, voire, comme la série précurseur des "Bit. Trip" de Gaijin Games (rebaptisé récemment "Choice Provisions"), tout cela à la fois.
Quel était l'état d'esprit au début de cette génération, amorcée avec la Xbox 360 en 2005 ? Toute l'attention se portait alors sur le réalisme : enfin, pensait-on, on allait s'émanciper des contraintes techniques et jouer avec des jeux qui ressemblaient à des films ! Plus que jamais, la 2D, les gros pixels, le gameplay arcade, etc. semblaient être une chose du passé, toute juste bonne à offrir une petite distraction gratuite sur un smartphone ou un navigateur Internet. Les amateurs de jeu vidéo à l'ancienne étaient inquiets : "Symphony of the Night" sur PlayStation allait-il rester le pinnacle du jeu vidéo en 2D ? L'avenir vidéoludique allait-il se résumer à des FPS marron/gris narratifs et photoréalistes ?
Dans un étonnant coup du sort, c'est l'inverse qui s'est produit : autour de l'année 2010, une incroyable révolution survint, l'irruption de la vente de jeux par téléchargement a soudain offert un créneau commercial à des jeux très old school, et à des développeurs indépendants désireux de revenir aux sources du jeu vidéo afin d'explorer de nouvelles directions transgressives... la modernité, à savoir ici le format dématérialisé, accouchait donc finalement d'une redécouverte des fondamentaux !
On pourrait comparer le phénomène à la peinture : pendant longtemps, le réalisme a été un critère majeur dans l'appréciation d'un tableau, mais à partir de l'invention de la photographie, à quoi bon chercher à réaliser une peinture la plus proche possible de la réalité, alors que l'appareil photo fait instantanément la même chose ? Délivrée de la course au réalisme, la peinture a alors pu explorer d'autres voies ; et de la même manière, une fois assouvi leur vieux fantasme de jeu "mature" réaliste, les joueurs et les concepteurs ont eu envie d'autre chose, rompant d'avec la logique de "progrès" qui animait jusque-là le jeu vidéo.
D'où "Minecraft", "Super Meat Boy", le retour du jeu en 2D, la glorification des jeux indépendants, et cet E3 2010 que je considère comme historique où Nintendo, qui pourtant continuait de faire ce qu'ils ont toujours fait et qui auparavant les vouait aux gémonies, s'est soudain vu acclamé de toute part, remportant notamment le prix des meilleurs graphismes du salon (!) d'après GameTrailers (pourtant peu rebelle) pour "Kirby's Epic Yarn" (Wii), devant "Crysis 2", "Killzone 3" et "Gears of War 3" !
On aurait pourtant pu argumenter que "Kirby's Epic Yarn" s'était contenté de perpétuer les visuels créés par "Yoshi's Island" et "Yoshi's Story" plus de dix ans auparavant, mais la motivation de GameTrailers était limpide, expliquant clairement le retour de Nintendo dans les bonnes grâces : "quand on regarde les autres jeux", disaient-ils, "on a du mal à les différencier".
En l'espace d'une génération, ce qui avait toujours été un rêve inatteignable nous a lassé par son omniprésence, ce qui, conjugué avec l'opportunité de la vente dématérialisée, a laissé le champ libre à des expériences nostalgiques, épurées, novatrices, voire, comme la série précurseur des "Bit. Trip" de Gaijin Games (rebaptisé récemment "Choice Provisions"), tout cela à la fois.
Sujets :
Dossiers spéciaux,
Jeux à scores,
Nintendo Wii et Wii U,
Old school,
Steam
vendredi 4 janvier 2013
Sepulcri (Amstrad CPC) Chris Sawyer
Il est des adages que l'on entend distraitement tout au long de sa vie, sans trop y faire attention, jusqu'à ce que leur bien-fondé vous tombe dessus, et notamment celui-ci : "plus on vieillit, plus on se rend compte de l'importance de ses origines".
À bientôt 39 ans, je réalise que c'est très vrai, sur de nombreux plans : culturel, social, psychologique... dernièrement, c'est sur le plan ludique que cette vérité s'impose à moi, puisque je néglige ma Xbox 360, la récente sortie de la Wii U et ma Wii (je n'ai toujours pas ouvert "Xenoblade" ni "Pandora's Tower") pour me replonger (de façon presque littérale, comme on va le voir) dans la machine qui, pourrait-on dire, m'aura façonné : l'Amstrad CPC.
L'Amstrad CPC, comme sans doute les autres ordinateurs 8-bit, n'était pas juste une machine de jeux, c'était une expérience.
Tout d'abord, même si l'on croyait avoir berné ses parents en prétendant vouloir un ordinateur pour apprendre l'informatique et non pour jouer, le fait est que ces machines sensibilisaient de gré ou de force au fonctionnement d'un ordinateur, à la programmation, et à l'informatique en général : lignes de commandes, BASIC, hexadécimal, bugs, cracks, copies (ah, les jeux incompréhensibles sans manuel), magazines spécialisés, différences entre les versions ZX Spectrum, Amstrad CPC et Commodore 64 d'un même logiciel... même si on n'avait eu que le jeu comme but initial, on se retrouvait forcément en avance au collège lors des premiers cours de la fameuse "informatique pour tous".
Ensuite, et c'est lié au point précédent, les jeux sur ordinateurs 8-bit n'étaient pas, comme les jeux sur consoles de salon, l'œuvre de game designers japonais s'inspirant des règles de l'arcade, mais celle d'informaticiens occidentaux ressemblant beaucoup à une partie du public de ces machines. Et donc, leurs jeux cherchaient davantage à tester des concepts parfois bizarres ou à concrétiser de vastes environnements abstraits plutôt qu'à reposer sur des bases de gameplay éprouvées : souvent, le codeur sur micro ne se souciait pas de son public, il explorait librement les possibilités offertes par son ordinateur, il jouait avec sa curiosité, son inventivité, son univers personnel, ses astuces de programmation et ses délires, et cela donnait parfois des choses merveilleuses.
"Sepulcri", de l'écossais Chris Sawyer (auteur de "RollerCoaster Tycoon", tout de même), est emblématique de mon vécu avec l'Amstrad. D'abord, comme l'essentiel de la ludothèque CPC, le jeu est un portage, cette fois-ci ne venant pas du ZX Spectrum, du Commodore 64 ou de l'arcade, mais du MTX de Memotech, un obscur et éphémère cousin du MSX ayant coulé sa compagnie à cause d'une transaction ratée avec l'URSS (ah, la guerre froide, toute une époque)... le portage a été amélioré visuellement par un graphiste, mais il est autrement presque identique à l'original ("Sepulcri Scelerati" sorti en 1985, "Sepulcri" sort l'année suivante).
Comme on le voit sur les captures d'écran (MTX à gauche, CPC à droite), "Sepulcri" est un jeu d'action/aventure en 3D isométrique, genre très populaire à l'époque et typique de l'Amstrad CPC et du ZX Spectrum depuis "Knight Lore" (1984). On y joue un robot miniaturisé devant explorer les entrailles du SDIS, l'ordinateur en charge de la défense mondiale (la guerre froide, toujours), avec comme objectif le test de chacun des 50 microprocesseurs de la machine (pour tester une puce, il suffit de sauter dessus). Une fois son travail effectué, le robot doit ensuite valider un protocole de sécurité, puis il peut enfin quitter les lieux.
Décrit ainsi et à première vue, le jeu ressemble énormément à "Alien 8" (1985), la suite que Ultimate (ancien nom de Rare) avait faite à "Knight Lore", et dans laquelle on jouait un robot devant réactiver 24 chambres d'hibernation dans un vaisseau spatial. D'ailleurs, à l'époque, "Sepulcri" avait été traité dans des critiques bâclées comme un énième clone des jeux de Ultimate, mis dans le même sac que le soporifique "Molecule Man" ou l'amateur "Sweevo's World".
C'était une erreur : "Sepulcri" est bien plus qu'un simple clone de "Knight Lore" ou "Alien 8".
À bientôt 39 ans, je réalise que c'est très vrai, sur de nombreux plans : culturel, social, psychologique... dernièrement, c'est sur le plan ludique que cette vérité s'impose à moi, puisque je néglige ma Xbox 360, la récente sortie de la Wii U et ma Wii (je n'ai toujours pas ouvert "Xenoblade" ni "Pandora's Tower") pour me replonger (de façon presque littérale, comme on va le voir) dans la machine qui, pourrait-on dire, m'aura façonné : l'Amstrad CPC.
L'Amstrad CPC, comme sans doute les autres ordinateurs 8-bit, n'était pas juste une machine de jeux, c'était une expérience.
Tout d'abord, même si l'on croyait avoir berné ses parents en prétendant vouloir un ordinateur pour apprendre l'informatique et non pour jouer, le fait est que ces machines sensibilisaient de gré ou de force au fonctionnement d'un ordinateur, à la programmation, et à l'informatique en général : lignes de commandes, BASIC, hexadécimal, bugs, cracks, copies (ah, les jeux incompréhensibles sans manuel), magazines spécialisés, différences entre les versions ZX Spectrum, Amstrad CPC et Commodore 64 d'un même logiciel... même si on n'avait eu que le jeu comme but initial, on se retrouvait forcément en avance au collège lors des premiers cours de la fameuse "informatique pour tous".
Ensuite, et c'est lié au point précédent, les jeux sur ordinateurs 8-bit n'étaient pas, comme les jeux sur consoles de salon, l'œuvre de game designers japonais s'inspirant des règles de l'arcade, mais celle d'informaticiens occidentaux ressemblant beaucoup à une partie du public de ces machines. Et donc, leurs jeux cherchaient davantage à tester des concepts parfois bizarres ou à concrétiser de vastes environnements abstraits plutôt qu'à reposer sur des bases de gameplay éprouvées : souvent, le codeur sur micro ne se souciait pas de son public, il explorait librement les possibilités offertes par son ordinateur, il jouait avec sa curiosité, son inventivité, son univers personnel, ses astuces de programmation et ses délires, et cela donnait parfois des choses merveilleuses.
"Sepulcri", de l'écossais Chris Sawyer (auteur de "RollerCoaster Tycoon", tout de même), est emblématique de mon vécu avec l'Amstrad. D'abord, comme l'essentiel de la ludothèque CPC, le jeu est un portage, cette fois-ci ne venant pas du ZX Spectrum, du Commodore 64 ou de l'arcade, mais du MTX de Memotech, un obscur et éphémère cousin du MSX ayant coulé sa compagnie à cause d'une transaction ratée avec l'URSS (ah, la guerre froide, toute une époque)... le portage a été amélioré visuellement par un graphiste, mais il est autrement presque identique à l'original ("Sepulcri Scelerati" sorti en 1985, "Sepulcri" sort l'année suivante).
Comme on le voit sur les captures d'écran (MTX à gauche, CPC à droite), "Sepulcri" est un jeu d'action/aventure en 3D isométrique, genre très populaire à l'époque et typique de l'Amstrad CPC et du ZX Spectrum depuis "Knight Lore" (1984). On y joue un robot miniaturisé devant explorer les entrailles du SDIS, l'ordinateur en charge de la défense mondiale (la guerre froide, toujours), avec comme objectif le test de chacun des 50 microprocesseurs de la machine (pour tester une puce, il suffit de sauter dessus). Une fois son travail effectué, le robot doit ensuite valider un protocole de sécurité, puis il peut enfin quitter les lieux.
Décrit ainsi et à première vue, le jeu ressemble énormément à "Alien 8" (1985), la suite que Ultimate (ancien nom de Rare) avait faite à "Knight Lore", et dans laquelle on jouait un robot devant réactiver 24 chambres d'hibernation dans un vaisseau spatial. D'ailleurs, à l'époque, "Sepulcri" avait été traité dans des critiques bâclées comme un énième clone des jeux de Ultimate, mis dans le même sac que le soporifique "Molecule Man" ou l'amateur "Sweevo's World".
C'était une erreur : "Sepulcri" est bien plus qu'un simple clone de "Knight Lore" ou "Alien 8".
vendredi 12 octobre 2012
Gauntlet (Mega Drive) Tengen
Un effet inattendu de ce blog est qu'il influence ma façon de jouer, et ce à quoi je joue : ainsi, pour écrire un article sur "Fez", je me suis intéressé à "Crush" et "Echochrome" sur PSP (auxquels j'ai finalement joué sur une PSP empruntée), et l'article sur la trilogie "Alien Breed" m'a fait rejouer au jeu original sur Amiga puis à "Alien Syndrome", et, pour être vraiment complet, m'aura fait réaliser des recherches sur "Gauntlet", l'ancêtre de "Alien Breed"...
Je n'ai jamais beaucoup joué à "Gauntlet". Bien sûr, j'ai toujours connu son existence, impossible d'ignorer un tel classique quand on jouait aux jeux vidéo dans les années 1980, mais la seule version que j'en ai pratiquée jusqu'à très récemment était le portage Amiga de "Gauntlet II". C'est une bonne adaptation malgré son infériorité technique, d'ailleurs meilleure que le jeu d'arcade à mon goût car plus lente et plus facile et donc mieux adaptée au jeu solo, mais bien qu'on y retrouve toutes les bases ludiques que j'aime dans "Alien Breed" (le labyrinthe, les choix à faire avec les clefs, l'exploration libre), je ne lui ai jamais trouvé grand intérêt...
"Gauntlet" était pour moi trop linéaire, trop axé sur des combats lents, ennuyeux et répétitifs, trop difficile sans vraiment demander d'adresse ni de réflexion... dans sa version arcade, on peut même "corrompre" le jeu et ne jamais y mourir tant qu'on le bourre de pièces, alors que pour triompher de "R-Type" par exemple, il faut être très bon, même si on est millionnaire. En fait, les "Gauntlet" des salles d'arcade sont davantage conçus comme une activité sociale à plusieurs joueurs que comme de véritables jeux - sans cadre, sans objectif et sans fin, l'insertion de pièces ne s'arrête jamais ! Leurs concepts ludiques (la vue de dessus, les références au jeu de rôle médiéval, les clefs, les portes, les plaques d'activation, les objets qui octroient de nouvelles compétences) ne m'ont jamais semblé correspondre à leur level design fade et laborieux ni à leur complète absence de structure - un vrai gâchis.
C'est là où intervient Tengen, extension d'Atari destinée à infiltrer le marché des consoles : pour séduire les joueurs associés, elle aura en quelque sorte "japonisé" le jeu, révélant ainsi tout son potentiel ; d'abord avec une déclinaison sur NES en 1988 proposant un level design inédit, plus soigné, plus construit et plus scénarisé dans une logique "action/aventure", mais surtout avec la version Mega Drive de 1993. Cette version, appelée "Gauntlet IV" en Occident, est le tout premier jeu de M2, le studio japonais désormais connu pour ses jeux "rétro" et ses remasters de jeux SEGA : ici, la restructuration entamée par le jeu NES va jusqu'à son terme, produisant une pure merveille ; à l'instar de "Donkey Kong '94", le jeu semble à première vue être un simple portage de l'original, mais en réalité il sublime les jeux d'arcade et leurs diverses suites, devenant ainsi la version ultime du concept.
Je n'ai jamais beaucoup joué à "Gauntlet". Bien sûr, j'ai toujours connu son existence, impossible d'ignorer un tel classique quand on jouait aux jeux vidéo dans les années 1980, mais la seule version que j'en ai pratiquée jusqu'à très récemment était le portage Amiga de "Gauntlet II". C'est une bonne adaptation malgré son infériorité technique, d'ailleurs meilleure que le jeu d'arcade à mon goût car plus lente et plus facile et donc mieux adaptée au jeu solo, mais bien qu'on y retrouve toutes les bases ludiques que j'aime dans "Alien Breed" (le labyrinthe, les choix à faire avec les clefs, l'exploration libre), je ne lui ai jamais trouvé grand intérêt...
"Gauntlet" était pour moi trop linéaire, trop axé sur des combats lents, ennuyeux et répétitifs, trop difficile sans vraiment demander d'adresse ni de réflexion... dans sa version arcade, on peut même "corrompre" le jeu et ne jamais y mourir tant qu'on le bourre de pièces, alors que pour triompher de "R-Type" par exemple, il faut être très bon, même si on est millionnaire. En fait, les "Gauntlet" des salles d'arcade sont davantage conçus comme une activité sociale à plusieurs joueurs que comme de véritables jeux - sans cadre, sans objectif et sans fin, l'insertion de pièces ne s'arrête jamais ! Leurs concepts ludiques (la vue de dessus, les références au jeu de rôle médiéval, les clefs, les portes, les plaques d'activation, les objets qui octroient de nouvelles compétences) ne m'ont jamais semblé correspondre à leur level design fade et laborieux ni à leur complète absence de structure - un vrai gâchis.
C'est là où intervient Tengen, extension d'Atari destinée à infiltrer le marché des consoles : pour séduire les joueurs associés, elle aura en quelque sorte "japonisé" le jeu, révélant ainsi tout son potentiel ; d'abord avec une déclinaison sur NES en 1988 proposant un level design inédit, plus soigné, plus construit et plus scénarisé dans une logique "action/aventure", mais surtout avec la version Mega Drive de 1993. Cette version, appelée "Gauntlet IV" en Occident, est le tout premier jeu de M2, le studio japonais désormais connu pour ses jeux "rétro" et ses remasters de jeux SEGA : ici, la restructuration entamée par le jeu NES va jusqu'à son terme, produisant une pure merveille ; à l'instar de "Donkey Kong '94", le jeu semble à première vue être un simple portage de l'original, mais en réalité il sublime les jeux d'arcade et leurs diverses suites, devenant ainsi la version ultime du concept.
Sujets :
Jeux d'aventure,
Jeux de labyrinthe,
Old school,
Retrogaming